La délégation de service public (DSP) permet à une personne publique, le délégant, de confier la gestion d’un service public à une personne privée, appelée délégataire ou concessionnaire. Le délégataire peut alors être chargé de construire des ouvrages ou d’acquérir des biens qui seront nécessaires au service. Lorsqu’une telle convention prend fin, parce qu’elle arrive à son terme ou suite à une résiliation anticipée, des questions peuvent survenir sur le sort des biens qui ont servis à l’exploitation du service public. Les DSP se composent de trois types de biens qui obéissent chacun à un régime juridique particulier : les biens de retour, les biens de reprise et les biens propres. Les biens propres sont considérés comme ceux n’étant ni nécessaires, ni indispensables à la DSP. Quand le contrat prend fin, le délégataire en reste propriétaire. Les biens de reprise sont des biens qui sont nécessaires à l’exploitation du service, mais pas indispensables. Par conséquent, ils restent la propriété du délégataire mais la personne publique peut les racheter au terme de la convention. Enfin, il y a les biens de retour, ceux dont le régime suscite le plus de débats. Les biens de retours se définissent comme les biens, meubles et immeubles, indispensables à l’exploitation du service public. Ils reviennent de plein droit et gratuitement à la personne publique en fin de contrat. Plusieurs questions peuvent alors se poser : le délégataire peut-il être indemnisé de la valeur des biens de retour non amortis en cas de résiliation anticipée ? Les biens acquis par le concessionnaire avant la signature du contrat doivent-il être considérés comme des biens de retour ? A l’occasion de deux décisions récentes, le Conseil d’Etat a répondu à ces questions.
Dans cet arrêt du 20 juin 2018, le Conseil d’Etat a rappelé les règles relatives à l’indemnisation des biens de retour non amortis en cas de résiliation anticipée. Dans les faits, de nombreux dysfonctionnements avaient contraint le centre hospitalier de Valenciennes à résilier avant son terme le marché visant à mettre à disposition des patients des appareils audiovisuels et de télécommunication. La société délégataire avait alors demandé au juge une indemnité correspondant à la valeur non amortie des biens de retours. Le tribunal administratif puis la cour administrative d’appel ont rejeté cette requête, estimant que les termes de la DSP ne permettaient pas une telle indemnisation. La DSP prévoyait à ce titre que "le mobilier multimédia installé sera maintenu par le délégataire pendant toute la durée de la convention de délégation. A son issue, il sera intégré au patrimoine de la collectivité sans contrepartie financière, dans le cadre des biens de retour ". Le Conseil d’Etat n’a toutefois pas suivi ce raisonnement. Il a pour sa part considéré que ces stipulations n’étaient pas applicables puisque la DSP n’était pas arrivée à son terme initialement prévu et que les biens en question n’étaient pas totalement amortis.
Conclusion : le délégataire peut être indemnisé de la valeur non amortie des biens de retours en cas de résiliation anticipée.
Dans ce deuxième arrêt rendu le 29 juin 2018, le Conseil d’Etat a précisé le régime d’indemnisation des biens de retours acquis par le concessionnaire avant la signature de la DSP. Les faits de cette affaire étaient un peu particuliers puisqu’ils concernaient les remontées mécaniques, activité érigée en service public par la loi Montagne de 1985. Cette loi avait prévu une période transitoire de 14 ans pour permettre aux collectivités de mettre leur mode de gestion en conformité. La DSP en litige avait été conclue avant la fin de cette période transitoire. Se posait alors la question de savoir si des biens pouvaient être considérés comme des biens de retour alors qu’ils avaient été acquis par le concessionnaire avant que l’activité soit considérée comme un service public. Le Conseil d’Etat a répondu par la positive, estimant qu’en signant cette DSP, l’entreprise avait de ce fait accepté d’affecter ces biens au fonctionnement du service public.
Conclusion : à l’issue du contrat, le délégataire ne peut récupérer les biens affectés au service public, même s’il les a acquis avant le contrat. Il peut toutefois demander l’indemnisation de la part non amortie de ces biens.
L’APASP
Référence
CE, 20 juin 2018, n°408507
CE, 29 juin 2018, n°402251
Achat et commande publics : on continue de vivre une époque formidable
Les années passent et se ressemblent… cette nouvelle année qui s’ouvre pour la commande publique s’accompagne, comme toujours, d’interrogations sur ce qui attend les acheteurs et la sauce à laquelle ils vont pouvoir être mangés. Les deux décrets 2024-1217 et 2024- 1251 publiés les 28 et 30 décembre derniers ont à la fois clôturé l’année passée et donné le la pour celle à venir : l’évolution des textes est et va rester constante, un peu comme un pendule de Foucault et son éternel mouvement. Bien sûr, dès lors que ces évolutions sont motivées par des intentions louables, comme celle de la simplification des règles, elles ne sont pas contestables en soi ; même si on a ici et là la désagréable impression qu’on a de plus en plus tendance à s’éloigner de l’acte d’achat proprement dit, avec ses objectifs d’efficacité et de bonne gestion de l’argent public, au bénéfice d’autres objectifs dont celui de la protection de l’environnement et du développement durable.
Lire plus2024 - L’ACHAT PUBLIC ENTRE AVERTISSEMENTS, PROMESSES ET DEFIS
L’année 2024 est très certainement prometteur pour l’achat public. Grace à des formations initiales et continues qui ne cessent de se développer, la professionnalisation des acheteurs est réellement en marche. Ayant pris pleinement conscience de son impact économique et par la même social - l’achat public de travaux fournitures et services représentant en moyenne 20% de leur budget- de plus en plus de structures publiques et para publiques ont mis en place de véritables services dédiés à ce qu’il convient de considérer comme un puissant levier des politiques publiques. Gageons que cette année verra se prolonger des réflexions et débats déjà entamés sur l’impact de l’intelligence artificielle sur l’achat public, la cybercriminalité et la protection des données personnelles dans l’acte d’achat, l’extension de la location au détriment de l’achat proprement dit, l’instrumentalisation des ces quelques dizaines de milliards d’euros annuels au service de différentes politiques dont la souveraineté nationale et -ce n’est à priori pas antinomique- la protection de la planète…
Lire plusRelocalisons les marchés publics !
La commande publique, qu’elle émane des services de l’Etat ou des collectivités, représente des enjeux économiques considérables et ne peut subir aucune inégalité de traitement.
Lire plus