Une des questions qui se pose de plus en plus fréquemment à propos des concessions, qu'elles soient de service public ou non, est relative à la possibilité pour leurs titulaires de bénéficier de recettes annexes, tirées de valorisations immobilières par exemple, à leurs recettes principales normalement perçues sur les usagers.
La question peut paraître étonnante dès lors que cela semble se pratiquer depuis longtemps au sein de ce type de contrats. Elle est pourtant très actuelle, et soulève une double problématique, celle de la complexification de ces contrats et celle de leur distinction avec les marchés de partenariat.
En fonction de leur objet, de nombreuses concessions puis conventions de délégation de service public ont depuis longtemps accordé la possibilité à leurs titulaires de bénéficier de recettes diverses, dans un but économique mais aussi juridique, dès lors que, depuis une jurisprudence apparue dans les années 90, il est admis qu'ils doivent substantiellement tirer leur rémunération des résultats de leur exploitation afin que leurs contrats ne soient pas requalifiés en marchés publics.
Evidemment, les contrats relatifs à la restauration scolaire, au transport public ou encore, sans être exhaustif, à l'eau et à l'assainissement offraient peu de possibilité en la matière. D'autres, par contre, faisaient plus que l'initier et l'inscrivaient dans leur cahier des charges comme faisant partie de leur périmètre. On pense par exemple ici à ceux portant sur les centres aquatiques, dont la rentabilité de l'exploitation était - et est toujours - conditionnée par des recettes tirées d'activités de vente de boissons et de restauration, de location d'emplacements à des associations ou entreprises pour des manifestations diverses voire, ce qui est à la mode, de spa et autres activités dites de bien-être. D'autres exemples pourraient être cités, des stades de sport et notamment de football aux équipements dédiés au spectacle en passant par les musées et autres bâtiments culturels ayant vocation à accueillir du public.
Mais ces possibilités de recettes annexes se développent aujourd’hui en touchant à des éléments immobiliers. Il en est par exemple ainsi de la réalisation d'équipements d'intérêt général - une cité dédiée au vin et au tourisme par exemple - où, à côté du contrat de concession proprement dit, le titulaire de ce dernier se voit octroyer la possibilité d'occuper avec des droits réels un terrain voisin afin d'y réaliser des équipements privés du type école d'apprentissage, centre d'hébergement, logements locatifs...On peut imaginer à ce titre des combinaisons entre concession et bail emphytéotique ou à construction, vente en l'état de futur achèvement, cession de droits avec charges... Les mécanismes contractuels sont en fait multiples et de plus en plus complexes voire sophistiqués, avec pour prendre un autre exemple la possibilité de concessions à " deux étages" en terme de durée; concessions portant à titre d'illustration sur la construction et l'exploitation d'un équipement thermal ainsi que sur la réalisation et la gestion d'un centre hôtelier. La durée du contrat pourrait être différente sur ces deux équipements figurant pourtant dans un même périmètre, l'hôtel nécessitant pour des raisons d'amortissement et de rentabilité une durée beaucoup plus longue que les thermes.
A noter que l'article 5 de l'ordonnance 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession prévoit elle-même dans son article 51 que le concessionnaire peut conclure des baux sur le domaine public, et que ces baux peuvent avoir une durée excédant celle du contrat de concession, étant précisé qu'ils sont transférés à l'autorité concédante en fin de contrat.
Qu'est-ce qui empêche de telles possibilités qui ne font que traduire la liberté et par la même l'ingénierie contractuelles qui prévalent en la matière ?
Pour rappel, l'article 5 de l'ordonnance 2016-65 du 29 janvier 2016 définit les contrats de concession comme ceux par lesquels une autorité concédante confie l'exécution de travaux ou la gestion d'un service à un opérateur économique, à qui est transféré un risque lié à l'exploitation de l'ouvrage ou du service, en contrepartie soit d'exploiter ces derniers soit de ce droit assorti d'un prix. Sachant que, comme l'indique ce dernier élément, un contrat de concession n'exclut pas le versement d'une rémunération par le concédant, le seul critère permettant d'identifier - au regard du marché public en tout cas - un contrat de concession est celui relatif au risque d'exploitation que doit assumer le concessionnaire. Dès lors que cette condition est remplie, rien ne proscrit la possibilité de percevoir des recettes tirées d'autres équipements ou activités que celles relevant du cœur du périmètre du contrat. On pourrait même avancer que ce risque économique est encore accentué par la présence de telles recettes, surtout si les équipements et activités sur lesquelles elles portent ont un lien avec ledit périmètre et que l'économie et l'équilibre du contrat reposent pour partie sur ces recettes.
L'autre point essentiel dans de telles configurations est que la concurrence et le traitement égalitaire des candidats soient respectés. Dès lors que la règle du jeu est affichée avec suffisamment de précision en amont, tant au sein de l’avis d'appel public à la concurrence (AAPC) que du règlement de consultation, et que le montage ainsi prévu ne vise manifestement pas à favoriser tel ou tel opérateur économique - qui aurait par exemple bénéficié de documents et d'informations dissimulés aux autres candidats -, on ne voit pas en quoi ce respect pourrait être compromis.
Jean-Marc PEYRICAL
Cabinet Peyrical & Sabattier Associés
Président de l’APASP
Directeur Scientifique du Cercle Colbert
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