L'appel à projet a le vent en poupe, et semble se multiplier avec les années. Il faut dire que la commission européenne montre la voie en lançant régulièrement des appels à projets dans des domaines très divers. Mais ce phénomène touche également un pays comme le nôtre, où ces appels à projets sont de plus en plus nombreux, notamment en matière d'urbanisme et d'aménagement.
Au-delà du cas de la Région Parisienne - pour des exemples récents " réinventer Paris" ou "inventons la métropole du Grand Paris"-, il suffit de consulter les annonces immobilières et foncières dans les journaux spécialisés pour voir que cette technique de l'appel à projet est utilisée sur tout le territoire, notamment pour des mises en vente de foncier bâti ou non bâti, avec ou sans charges foncières.
Mais de quoi parle-t-on exactement ? Les collectivités publiques qui se lancent dans l'aventure sont-elles certaines de la légalité de leurs procédures, notamment au regard de la réglementation applicable aux marchés publics ?
Bien que non défini par les textes, on peut tenter d'expliciter le concept d'appel à projets comme un procédé contractuel consistant pour une personne publique à mettre en concurrence des opérateurs publics ou privés sur la base d'un document contenant des objectifs à atteindre tout en leur laissant une importante marge d'initiative et de créativité quant à la détermination de leur contenu et leur mise en oeuvre.
Il s'agit donc d'une sorte de cadre contractuel, de schéma proposé à des candidats potentiels qui doivent être force de proposition dans leur réponse à la mise en concurrence.
En vertu de la circulaire du 18 janvier 2010 relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations, l'appel à projet est une des solutions permettant d'éviter une requalification en marché public d'une convention de subventionnement. Elle se présente en réalité comme une alternative à ce type de convention, une forme spécifique permettant de mettre en concurrence des modalités de soutiens financiers publics qui y échappaient jusque-là dès lors qu'ils étaient le plus souvent attribuées discrétionnairement.
Dès lors que, par définition, on ne se situe pas dans la sphère des marchés publics, la procédure de mise en concurrence évoquée ici est libre et se doit d'être plutôt souple, à l'instar du support de publicité laissé à l'arbitrage de chaque structure publique qui pourra s'adapter en fonction de critères comme la nature de l'appel à projet, le montant de l'investissement nécessaire, l'état de la concurrence potentielle entre opérateurs...une telle procédure s'inscrivant toutefois dans les objectifs fondamentaux applicables à toute gestion publique que sont l'efficacité et la bonne gestion des deniers publics.
A noter que l'appel à projets doit se distinguer de l'appel à manifestation d'intérêt. Défini à l'article 37 du décret du 25 mars 2016, il s'agit d'un mode de pré sélection de candidats dans le cadre de procédures du type appel d'offres restreint ou procédure concurrentielle avec négociation.
Au vu des éléments de définition ci-dessus avancés, une des règles d'or pour bien distinguer l'appel à projets des marchés publics est de laisser une marge d'initiative suffisante aux opérateurs économiques appelés à prendre en charge le ou les projets concernés. En conséquence, les personnes publiques ne pourront les mettre en concurrence que sur la base d'un document très "light", quelques pages de programme où sont sommairement proposés les objectifs attendus. S'agissant par exemple du réaménagement d'un quartier de ville, il pourra être indiqué aux candidats que leur projet devra faire apparaitre une cohérence avec l'urbanisme existant ou des propositions innovantes en matière de circulation et de stationnement... La collectivité ne pourra cependant aller trop loin sur la conception architecturale des bâtiments du projet, sur leur fonctionnalité, sur le mode d'alimentation en énergie... Ces quelques pages ne pourront donc s'apparenter à un véritable cahier des charges, où la personne publique cadrerait voire briderait les capacités d'initiative du futur titulaire du contrat.
Le problème est que tracer une frontière précise et duplicable entre programme reposant sur des objectifs et cahier des charges comportant des prescriptions et autres conditions d'exécution relève d'une mission impossible et appelle une analyse au cas par cas.
Le juge administratif n'hésite pas, ainsi, à opérer des requalifications en faveur des marchés publics dès lors que l'influence de la personne publique sur la conception et/ou la réalisation du projet lui semble évidente ; le risque de requalification en marché public étant d'autant plus important en cas de travaux devant être réalisés par le titulaire du contrat. Depuis les derniers textes relatifs aux marchés publics, le critère de la maitrise d'ouvrage classiquement utilisé pour identifier les marchés publics de travaux a en effet cédé la place à celui" d l'influence déterminante sur sa nature ou sa conception" (v. CAA Lyon, 4 juillet 2013, Sté APSYS, à propos d'un contrat prévoyant la cession d'une partie d'un marché couvert à l'issue d'une procédure d'appel à projets en vue d'une opération commerciale).
Le juge utilise aussi un autre critère, souvent lié au premier, à savoir celui des prestations individualisables fournies à la personne publique par le titulaire du contrat. Dans de tels cas, ce dernier est réputé fournir une prestation à l'administration ou à ses usagers, la subvention qui lui est versée devant être analysée comme un prix, et donc comme une contrepartie au service rendu.
En d'autres termes, plus le titulaire d'un appel à projets ou contrat équivalent - la dénomination exacte important peu finalement - sera réputer travailler pour la personne publique qui en est à l'origine, et plus on entrera dans la logique des marchés publics.
Jean-Marc PEYRICAL
Président de l'APASP
Cabinet Peyrical & Sabattier Associés
Directeur Scientifique du Cercle Colbert
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