L’ordonnance 2014-697 du 26 juin 2014 a défini un calendrier applicable aux opérateurs économiques émettant des factures auprès des acheteurs publics. Si les plus grosses entreprises y sont soumises depuis le 1er janvier 2017, les PME le seront le 1er janvier 2019 et les TPE et microentreprises le 1er janvier 2020.
La France est en tout cas quelque peu à la traine par rapport à d’autres pays sur ce sujet, et notamment par rapport aux Etats d’Europe du Nord – Finlande, Danemark, Norvège… - qui utilisent la facturation électronique, entre autres dans la commande publique, depuis le milieu des années 2000.
Les premiers retours d’expérience montrent néanmoins que l’avènement de la numérisation de la facturation dans les marchés publics ne se fait pas toujours de manière très fluide et rencontre quelques blocages et difficultés.
La facturation électronique est l’un des volets essentiels de la dématérialisation des actes et procédures dans la commande publique. L’objectif affiché en l’espèce est d’assouplir et de fluidifier les relations entre les acheteurs et les opérateurs. Pour les entreprises, il s’agit évidemment d’éviter au maximum les contraintes de forme et de procédure mais surtout d’avoir sinon la certitude du moins la possibilité d’être payées en temps et en heure, en tout cas à minima dans les délais prévus par la réglementation.
Il ne faut pas oublier que, d’après les statistiques fournis par la médiation des entreprises, plusieurs entreprises et notamment des PME et TPE disparaissent chaque semaine du fait des retards de paiement de leurs prestations fournis dans le cadre des marchés publics.
Depuis le mois de septembre 2016, l’agence pour l’informatique financière de l’Etat (AIFE) a mis en place une plateforme gratuite, Chorus Pro, ouverte tant aux acheteurs publics qu’aux opérateurs privés pour la mise en place de leur facturation électronique.
Outil à priori facilitateur, il semble cependant qu’une bonne partie des problèmes rencontrés dans la gestion de la facturation électronique provienne justement de défaillances le concernant. C’est en tout cas le reproche que leur fait bon nombre d’acheteurs publics.
La plateforme Chorus Pro fait l’objet de critiques récurrentes, notamment de la part des collectivités territoriales et des établissements hospitaliers. Pourtant, c’est en tout cas l’avis d’autres acheteurs, il n’est pas certain que les défaillances constatées – rejets de factures, retards de traitement de documents … – soient dues à des dysfonctionnements d’un système qui apparait plutôt simple à utiliser.
En fait, ainsi que cela est régulièrement confirmé par l’AIFE, les structures publiques et parapubliques concernées doivent procéder à quelques investissements pour adapter leurs outils informatiques à Chorus Pro. Cela est en réalité loin d’être le cas, les logiciels de comptabilité des collectivités publiques étant souvent peu ou pas adaptés à un tel système. Le problème est que, concernant en tout cas le secteur public local, les règles ne sont pas clairement définies. Ainsi, pour accompagner et identifier la facture électronique, le bon numéro à utiliser – numéro Siret, numéro du marché ou numéro d’engagement annuel – est précisé nul part ce qui peut être source de rejet de la part des comptables publics. Comme souvent en achat public et dans d’autres domaines, tout est avant tout question de moyens et d’organisation. Il sera ainsi nécessaire que chaque structure acheteuse de se doter sinon d’un service du moins d’un poste dédié à la facturation électronique et à l’interface avec Chorus Pro. Au vu de la mutualisation croissante des services et fonctions achat au sein du secteur public, on peut espérer que les structures ainsi concernées finiront par se donner les moyens de mettre en œuvre avec efficacité ce volet spécifique de la numérisation d’achat public.
Il en est de même concernant les opérateurs économiques, et notamment ceux qui émettent des factures journalières susceptibles d’entrainer des difficultés de traitement.
Il s’agit là à n’en pas douter de développer un pan entier du vaste mouvement de dématérialisation des procédures dans les marchés publics. Afin qu’il puisse être maintenu un minimum de relations de confiance entre l’acheteur et l’opérateur, il est indispensable que ce virage de la numérisation soit pleinement réussi en France pour que les PME et TPE puissent continuer à croitre.
Hugues POUZIN
Directeur Général de la CGI
Jean-Marc PEYRICAL
Avocat Associé
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