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Le 25/05/2018 à 06h

Aulnay / Bruno Beschizza : "le défi, ce n'est pas seulement de faire un nouveau quartier, mais de faire une ville"

Avant de lancer une SEMOP avec l'Etat, et six mois après la signature historique de la vente du site PSA, Bruno Beschizza, maire d'Aulnay-sous-Bois et premier vice-président de l'EPFIF, revient pour Cadre de Ville sur l'avenir de ce site exceptionnel dans la métropole capitale. Pour lui, l'important est d'éviter les erreurs du passé, de ne pas faire un quartier en plus, mais de créer un morceau de ville en cohérence avec les autres.

La signature, en novembre 2017, de la vente des 108 ha du site PSA a lancé le compte à rebours pour l'élaboration du projet urbain au Nord d'Aulnay. Près de six mois plus tard, alors que Richez & Associés, mandatés par la ville pour concevoir ce projet, s'apprêtent à rendre leurs conclusions, Bruno Beschizza détaille pour Cadre de Ville sa vision pour le Nord d'Aulnay-sous-Bois, et revient également sur le processus qui l'amène à créer une SEMOP pour l'aménagement du site. Une SEMOP qui devrait garantir à un nombre important d'opérateurs la possibilité de travailler sur un site de grand envergure.

Cadre de Ville - Six mois après la signature de la vente du site PSA, pourriez-vous revenir sur les étapes qui l'ont précédée ?

Bruno Beschizza - Quand je suis arrivé dans cette mairie, le sujet PSA, c'était une banderole sur la mairie. Rapidement, on a dû faire le deuil de la perte d'emploi, et penser à l'avenir. Les 180 ha [la partie acquise par l'EPFIF mais aussi la partie Nord du site PSA, directement cédée par le groupe automobile à des logisticiens, distributeurs, et à la SGP, voir plus bas], ils sont là, il n'y a plus d'ouvrier, l'usine est fermée, qu'est-ce qu'on fait ? En même temps s'est imposé le fait que, compte tenu de l'application de la loi NOTRe au premier janvier 2016, des villes comme Aulnay, qui n'avaient pas vu leur PLU révisé depuis plus de dix ans, devaient lancer cette révision avant le premier janvier au risque de voir cette compétence leur échapper au profit de l'EPT. J'avais dans mon programme le projet de protéger les zones pavillonnaires, et je ne pouvais pas prendre ce risque.
J'ai donc lancé la révision du PLU. Dans ce contexte, on a regardé le rectangle de 180 ha du site PSA, qui, d'un point de vue urbain, n'existait pas jusqu'à ce moment. Il n'existait pas, parce que c'était une usine, un terrain privé. Et on s'est dit qu'on allait en faire un objet urbain, un objet qu'on allait créer réglementairement avec le PLU. C'est au moment de la révision du PLU, lancée en mai 2014, qu'on a déterminé administrativement parlant ce qu'il était possible de faire sur ce rectangle. C'est aussi à ce moment qu'a été actée la décision de diviser en deux le site PSA, avec le Nord qui conserve une dominante industrielle, et le Sud qui pourra accueillir du logement, et d'autres activités.
L'aménagement du Nord est d'ailleurs en bonne voie, avec l'inauguration des premières installations logistiques le 10 avril 2018, qui comprennent des bâtiments pour Carrefour Online, Carrefour Supply Chain, et Chronopost, ce qui nous promet un millier d'emplois pour 2019.

CdV - À quel moment s'est imposée la création d'une SEMOP "d'Etat", une SEMAOP ?

B. B. - Il y a eu des échanges importants avec l'État au moment de la révision du PLU pour savoir ce qu'on pouvait implanter sur ces 180 ha, sur les possibilités de réindustrialisation. De mon côté, je voyais deux écueils : le premier était celui de faire une cité-dortoir, un bis repetita de la Cité des 3000, le quartier construit au Sud du site de PSA pour en loger les ouvriers. Un quartier qui a été pensé sans aménagement, et sans espaces verts, et qui souffre aujourd'hui de dysfonctionnements, malgré une très belle réussite sur l'ANRU 1 pour réparer ce qui a été mal fait.
Ma deuxième crainte c'était, rappelez-vous, l'époque des OIN, celle où l'État affirmait sa volonté de vouloir créer des opérations d'intérêt national un peu partout. Aulnay, avec ses deux autoroutes et ses deux aéroports à proximité, cumulait tous les avantages qui auraient pu faire en sorte que l'État y implante une OIN. L'écueil était que l'État y implante une soucoupe volante, qui arrive sur le territoire de façon complètement déconnectée. Là, j'ai dû faire un véritable lobbying au niveau du Premier ministre, qui était à l'époque Manuel Valls. J'ai réussi à lui faire comprendre, au-delà des querelles partisanes, et grâce à son expérience comme élu local d'Île-de-France, qu'une OIN, ce n'était pas possible.
On essaie de trouver une solution avec Manuel Valls et le préfet de région de l'époque, Jean-François Carenco. Assez rapidement, on tombe d'accord sur l'idée de la SEMAOP, qui est surtout une idée de l'État, je le dis en toute humilité. Cette SEMAOP est à l'époque, au moment du vote du PLU en décembre 2015, un objet juridique relativement nouveau, qui implique que 50% du noyau de gouvernance est État, et 50% du noyau est dévolu à la commune. En fait, très exactement, on aura 17% des capitaux qui viendront de la Ville, et 17% de l'État.
En juin 2017, quelques mois avant la vente du site, on a signé à l'hôtel de Ville d'Aulnay-sous-Bois un pacte fondateur avec Grand Paris Aménagement, qui était là non pas en tant qu'aménageur, mais en tant que représentant de l'État. Ce pacte prend la forme d'un accord de principe, qui pose les bases des financements publics.

"L'APPEL AUX INVESTISSEURS SERA POSSIBLE A PARTIR DE L'AUTOMNE"

Le problème, c'est que dans une SEMAOP, il faut que l'objet - unique - soit très clairement précisé. On ne peut pas lancer l'appel à investisseur pour les 66% du capital restant sans savoir exactement sur quel bilan d'aménagement on s'engage. C'est pour cela qu'on a lancé une étude menée par Richez & Associés en partenariat avec Egis, pour définir très précisément le programme du projet.
Les premiers résultats de l'étude devraient arriver au mois de juin, et les éléments définitifs à la rentrée. Ce n'est qu'à ce moment là qu'on pourra lancer un appel à projets pour l'actionnariat, après avoir rédigé un vrai pacte d'actionnaires avec Grand Paris Aménagement. Ce sera au mieux au second semestre 2018, mais je ne me fais pas d'illusion : on ne peut pas lancer l'appel à actionnariat n'importe comment. Il y aura d'abord de vraies discussions avec Grand Paris Aménagement, et, qu'on le veuille ou non, il y aura aussi l'œil de Bercy dessus. Ce qui peut prendre du temps.

CdV - Comment éviter de faire un quartier enclavé, à 800 m de la future gare de la ligne 16 du Grand Paris Express ?

B. B. - Comme on l'a dit, l'écueil, c'est la cité-dortoir ou la zone industrielle. Ici, on ne fait pas que de l'aménagement, on fait de la ville. Mais on fait une ville qui n'est pas toute seule, qui doit être reliée au reste d'Aulnay. On aura une gare à 800 m, et la question, c'est comment on fait en sorte que ce site tout nouveau ne soit pas un nouvel Aulnay Nord, mais qu'il soit pleinement intégré à la Ville d'Aulnay. Le défi, ce n'est pas seulement de créer un nouveau quartier, mais de faire une ville.
L'objectif que je me suis donné à Aulnay, c'est de capter la jeune classe moyenne. On arrive aujourd'hui à fixer notre classe moyenne, plutôt dans le centre-ville. Mais on n'arrive pas encore à capter une classe moyenne extérieure. Et je pense qu'un nouveau quartier doit pouvoir capter une nouvelle population. C'est ça le défi urbain du site PSA. Pour cela, la gare est absolument indispensable. Mais pas seulement.

Il va falloir trouver une continuité, et ce sera le rôle des urbanistes : trouver une astuce pour créer du lien depuis le reste de la Ville. De mon point de vue, ce seront peut-être les espaces verts qui vont assurer ce lien : en faisant descendre le parc Robert-Ballanger jusqu'à la gare, on arrivera peut-être à assurer ce lien.

Propos recueillis par Arnaud Paillard, journaliste de Cadredeville.com.

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