Les pénalités de retard peuvent entrainer de lourdes conséquences pour les entreprises titulaires de marchés publics. En effet, en cas de non respect des délais d’exécution contractuels, l’acheteur public peut imposer un dédommagement financier à la société chargée des travaux ou prestations.
Pour éviter les abus et ne pas décourager les entreprises à candidater à des marchés, le juge administratif s’autorise, depuis 2008, à moduler le montant des pénalités de retard si celles-ci lui paraissent dérisoires ou excessives. Les juridictions administratives se sont prononcées à de nombreuses reprises sur ce sujet. Pour exemple, si le Conseil d’Etat a estimé que des pénalités de retard équivalentes à 56,2% du montant total du marché étaient manifestement excessives, il a en revanche jugé que des pénalités s’élevant à 26% du montant du marché étaient raisonnables.
Dans une récente affaire, le juge administratif a été confronté à un autre genre de question concernant les pénalités de retard : l’acheteur public peut-il baser un sous-critère sur le montant des pénalités de retard ?
Retour sur les faits : La communauté de communes de l’Arpajonnais avait lancé un marché public de travaux pour la construction d’un gymnase. Le règlement de la consultation indiquait que les offres des candidats seraient classées selon deux critères : le prix, pondéré à 40%, et la valeur technique, pondérée à 60%. Le critère de la valeur technique était lui-même divisé en quatre sous-critères, dont l’un portait sur « la pénalité pour dépassement du délai fixé dans l’acte d’engagement ». Chaque candidat devait donc proposer le montant des pénalités de retard qui pourraient lui être infligées. Le règlement de la consultation précisait que « la note la plus élevée serait attribuée à la proposition de pénalité la plus élevée, les autres propositions étant notées en proportion de leur écart avec cette proposition ». Des entreprises prêtes à tout pour obtenir le marché pouvaient donc se fixer des pénalités qui, si elles étaient appliquées, conduiraient certainement à des problèmes de trésorerie conséquents.
Face à cette pratique, le Conseil d’Etat a décidé de sévir, annulant l’arrêt de la cour administrative d’appel qui avait validé un tel sous-critère. Les sages du Palais Royal ont jugé qu’un sous critère basé sur le montant de pénalités de retard ne permettait pas « de mesurer la capacité technique des entreprises candidates à respecter des délais d’exécution du marché ni d’évaluer la qualité technique de leur offre ».
Les entreprises peuvent donc être rassurées, le juge administratif veillant à une utilisation raisonnée des pénalités de retard.
L’APASP, l'Association Pour l'Achat dans les Services Publics
Référence : CE, 9 novembre 2018, n°413533
http://arianeinternet.conseil-etat.fr/arianeinternet/getdoc.asp?id=214704&fonds=DCE&item=1
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