Un Séminaire s’est tenu tout récemment à la Collectivité Territoriale de Guyane sur l’actualité de la commande publique. Plus particulièrement axé sur les conséquences de la numérisation de l’achat public, il a permis de faire un point sur les difficultés rencontrées par les acheteurs mais aussi les entreprises face aux évolutions d’une matière qu’ils ont quelquefois du mal à maîtriser.
Point central de l’actualité, une présentation du code de la commande publique a d’abord été effectuée. Peu de participants, surtout parmi les entreprises, étaient d’ailleurs au courant de son application à compter du premier avril, voire même pour certains de son existence tout court... L’information n’a en tout cas pas rencontré un grand succès, et a même suscité des réserves parmi ceux qui ont estimé qu’il était paradoxal de mettre en place un tel ensemble de textes, qui plus est en codifiant de la jurisprudence, dans un domaine aussi mouvant et évolutif que celui de la commande publique. D’autres se sont d’ailleurs étonnés que les dispositions de la loi sur l’égalité réelle outre-mer ne figurent pas - pas encore ? - dans ce code, s’agissant plus particulièrement de son article 73 permettant aux acheteurs de réserver jusqu’à un tiers de leurs marchés aux PME locales.
Mais le moment central de la manifestation et des échanges avec les participants a été celui de la dématérialisation des procédures de marchés publics. Et là, sans véritable surprise, il s’est avéré que tant les collectivités locales que les opérateurs économiques étaient loin d’être prêts à prendre le virage e la numérisation, certains n’ayant pas conscience qu’elle s’appliquait aux procédures lancées depuis le premier octobre dernier.
Le premier est relatif à la signature électronique des documents de marchés. Elle nécessite en effet que les acteurs, et en premier lieu les acheteurs, acquièrent des certificats nominatifs et s’organisent en conséquence. Cela peut d’ailleurs leur donner l’occasion d’auditer leurs circuits de signature et de revoir leurs délégations, sachant évidemment qu’un seul certificat de signature électronique ne peut couvrir l’ensemble d’une même collectivité. Il a été insisté sur le fait que non seulement la signature électronique n’était toujours pas obligatoire, mais qu’il en était de même de la signature des offres tout court, sauf bien évidemment s’agissant de celle de l’attributaire appelée à devenir le contrat souscrit entre les parties.
Le second point concerne le DUME. Parmi les entreprises présentes, une seule l’avait testé, sachant que l’acheteur n’avait pu l’accepter faute de savoir comment l’utiliser...Sur ce thème, l’espoir des opérateurs est que le principe du « dites-le nous une fois » soit une réalité et qu’ils n’aient au final à remplir le DUME qu’une fois et que ce dernier puisse être actualisé sur une plateforme dédiée par les administrations compétentes. D’autres ont poussé encore plus loin leur souhait en rêvant d’un mixte DUME-MPS qui leur permettrait de candidater aux procédures de marchés en ne donnant que leur numéro SIRET...
Sur la dématérialisation en elle-même, les principales interrogations ont porté sur les difficultés rencontrées et les craintes, pour les entreprises en tout cas, de ne pouvoir accéder à certaines procédures de marchés. Il y a d’abord des périmètres géographiques où les liaisons internet sont insuffisantes pour pouvoir organiser des systèmes de dématérialisation suffisamment fiables et efficaces ; une telle situation n’étant pas l’apanage des collectivités outre-mer mais se rencontrant aussi en métropole. Il appartient ainsi à l’Etat et aux collectivités concernées de remédier à ces zones blanches ou grises, afin que les territoires - et donc les entreprises qui s’y trouvent- ne soient pas traités de manière inégalitaire.
Ensuite, les opérateurs se méfient des pannes et dysfonctionnements que peuvent subir les plateformes choisies par les acheteurs, ces derniers en étant dans ce cas responsables. Il convient ainsi d’inciter les entreprises à fournir des offres dites de sauvegarde, sous forme de clé USB par exemple, à l’appui de leur offre dématérialisée. Et s’ils prouvent qu’ils ont débuté l’opération de dépôt de leur offre avant la date limite et que celle-ci est finalement arrivée après cette date, l’acheteur peut malgré tout l’accepter si une offre de sauvegarde a été déposée en temps et en heure. De telles souplesses sont en tout cas indispensables pour créer un lien de confiance entre acheteurs et entreprises à une heure où ces dernières, s’agissant avant tout des TPE et des artisans, émettent des doutes non seulement sur l’efficacité de la dématérialisation en termes d’accès à l’achat public mais aussi sur la sécurité qu’elle offre en termes de confidentialité des propositions.
Une autre interrogation - plutôt de la part des acheteurs cette fois - a porté sur la possibilité ou non de dématérialiser les phases d’exécution de marché. Même si, contrairement à la passation, cela n’apparait pas obligatoire, il est apparu opportun de prévoir dans les contrats des échanges dématérialisés, via la plateforme utilisée jusqu’à leur notification aux attributaires et l’envoi des courriers aux candidats non retenus, concernant les ordres de service, les bons de commande ou encore les avenants.
Quant à l’open data, les entreprises mais aussi les acheteurs sont apparus peu préoccupés par les nouvelles règles de transparence applicables là encore depuis le 1er octobre dernier, sauf peut-être par le fait que les avenants sont désormais concernés par les obligations de publication des données essentielles. Peut-être que l’absence de sanctions en cas de non-respect de ces obligations rend la portée de ces dernières relativement floues, et en tout cas bien moins concrète et immédiate que celles relatives à la numérisation de la passation des marchés.
Jean-Marc PEYRICAL
Cabinet Peyrical & Sabattier Associés
Président de l'APASP, Association Pour l'Achat dans les Services Publics
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