Dans le cadre d’un litige né de l’exécution d’un marché public de travaux, trouver le responsable de ses préjudices n’est pas toujours facile. Lorsqu’une indemnisation est demandée devant le tribunal administratif, une entreprise ou une collectivité publique peut demander au juge qu’une autre partie étant intervenue dans le marché public la garantisse des condamnations pouvant être prononcées à son encontre.
Ce mécanisme, appelé « action en garantie », permet donc au juge d’opérer un partage voire un transfert de responsabilité. Toutefois, les appels en garantie ne sont pas toujours possible. Deux jurisprudences récentes du Conseil d’Etat ont permis de préciser les conditions de recevabilité d’un appel en garantie.
Dans un arrêt du 20 décembre 2017, le Conseil d’Etat a jugé une affaire dans laquelle une entreprise demandait au pouvoir adjudicateur une indemnisation au titre de travaux supplémentaires. Estimant qu’il n’était pas responsable de ces travaux supplémentaires, l’acheteur public a appelé en garantie le MOE. Après avoir rappelé que l’indemnisation des travaux supplémentaires incombait toujours au maitre d’ouvrage (MOA), le Conseil d’Etat a admis l’appel en garantie dirigé contre le MOE. En effet, l’instruction avait démontré que les travaux supplémentaires étaient directement dus à une mauvaise évaluation initiale du chantier par le MOE.
L’appel en garantie du MOA contre le MOE est donc conditionné par une faute de ce dernier.
La haute juridiction administrative a également précisé que le MOA pouvait appeler en garantie le MOE si le montant des travaux supplémentaires était supérieur au coût qu’aurait dû être celui de l’ouvrage si le MOE n’avait pas commis de faute.
Dans une affaire tranchée le 6 mai 2019, le Conseil d’Etat a refusé d’appeler en garantie l’AMO d’un centre hospitalier en raison du caractère définitif du décompte général.
En l’espèce, une société titulaire de deux lots réclamait au MOA, un établissement hospitalier, une indemnisation en réparation des préjudices qu’elle aurait subis du fait 'd’une exécution du chantier dans des conditions anormales et non conformes au contrat'. Le MOA avait alors décidé d’appeler en garantie son AMO.
La cour administrative d’appel avait condamné le centre hospitalier à verser à la société requérante la somme de 125.000 euros et l’AMO à garantir le centre hospitalier à hauteur de 40% des condamnations prononcées à son encontre.
Toutefois, la haute juridiction administrative n’a pas adopté la même position. Elle a toute d’abord rappelé l’articulation possible entre appel en garantie et décompte général définitif, à savoir que 'la circonstance que le décompte général d’un marché public soit devenu définitif ne fait pas, par elle-même, obstacle à la recevabilité de conclusions d’appels en garantie du maître d’ouvrage contre le titulaire du marché, sauf s’il est établi que le maître d’ouvrage avait eu connaissance de l’existence du litige avant qu’il n’établisse le décompte général du marché et qu’il n’a pas assorti le décompte d’une réserve, même non chiffrée, concernant ce litige'.
Dans les faits, la société requérante avait déposé sa réclamation auprès du MOA en avril 2012 et le décompte du marché d’AMO avait été notifié en 2013. Dès lors, au moment de l’établissement du décompte du marché d’AMO, le centre hospitalier avait tout à fait connaissance du litige relatif au marché de travaux. Le décompte du marché d’AMO ne comportant aucune réserve, son caractère définitif faisait donc obstacle à ce que le centre hospitalier appelle en garantie son AMO.
L’APASP
Références : CE, 20 décembre 2017, n°401747
http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2017-12-20/401747
CE, 6 mai 2019, n°420765
http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2019-05-06/420765
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