Lorsqu’un référé précontractuel est engagé par une entreprise évincée, le contrat litigieux ne peut plus être signé à compter de la saisine du juge, et ce jusqu’à la notification de la décision du juge au pouvoir adjudicateur.
En effet, une fois informé du dépôt d’un recours, l’acheteur public se doit de respecter cette suspension. S’il décide tout de même de signer le contrat, il s’expose alors à des sanctions par le juge. Le référé précontractuel deviendra quant à lui sans objet. L’entreprise évincée pourra toutefois déposer un référé contractuel pour tenter d’obtenir réparations de ses préjudices.
Comme le rappelle un arrêt du Conseil d’Etat du 27 mai 2020, il ne s’agit pas d’une simple faculté mais bien d’une obligation : le juge doit sanctionner l’acheteur qui signerait le contrat alors qu’un référé précontractuel lui a été notifié.
Retour sur les faits : la collectivité territoriale de Martinique avait lancé une procédure de passation pour un marché de prestations de nettoyage de locaux et de sites. La société Clean Building s’est portée candidate pour les neuf lots mis en concurrence mais seul le lot n°8 lui a été attribué. Elle a donc saisi le tribunal administratif (TA) de Martinique d’un référé précontractuel en vue de demander l’annulation de la procédure. Selon elle, l’une des sociétés attributaires aurait notamment été retenue sur la base d’offres anormalement basses.
Le contrat ayant été signé alors que le référé avait été notifié, le juge du TA a estimé qu’il n’y avait plus lieu à statuer sur la requête de la société évincée. Il a également rejeté le référé contractuel formé dans la foulée, en lieu et place du référé précontractuel qui n’avait pu aboutir. Insatisfaite de la position adoptée par le juge, la société Clean Building a saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation. Les sages du Palais Royal ont retoqué l’ordonnance du TA, ce dernier n’ayant pas sanctionné le comportement de la collectivité. En effet, comme l’indique l’article L. 551-20 du code de justice administrative, le juge doit obligatoirement prononcer une sanction quand l’acheteur signe un marché alors qu’un référé précontractuel lui a été notifié. Le juge peut alors choisir parmi quatre sanctions : la nullité du contrat, sa résiliation, la réduction de sa durée ou une pénalité financière. Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a décidé d’infliger une sanction de 10.000 euros à la collectivité territoriale de Martinique. Une amende dissuasive pour les personnes publiques trop pressées de signer.
Concernant le traitement de l’offre anormalement basse soulevé par la société évincée, le Conseil d’Etat a modifié sa jurisprudence. En effet, jusqu’alors, un candidat dont l’offre était irrégulière ne pouvait pas contester la validité de l’offre d’un autre candidat. Les juges de cassation sont revenus sur cette position. Ils ont effectivement admis que la société requérante, dont l’offre pour le lot n°7 avait été jugée irrégulière, puisse contester le caractère anormalement bas de l’offre de la société attributaire.
Référence :
CE, 27 mai 2020, n°435982
http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2020-05-27/435982
L'APASP
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