Des services pointus, un règlement d'urbanisme précis, des outils opérationnels adaptés, des expériences démocratiques innovantes, au service d'un projet de ville mixte, tant socialement, qu'entre fonctions de travail et résidentielles. Coworking et tiers-lieux ont ainsi fait leur apparition, et un projet pour "inventer la métropole du Grand Paris" est en cours de commercialisation par Nacarat. "Nous pratiquons depuis quarante ans la séparation du foncier et du bâti pour la production de logements sociaux", revendique par ailleurs le maire.
La question de la pérennité du fait communal se pose partout lors de mes déplacements comme secrétaire général de l'Association des maires de France, explique Philippe Laurent, inquiet, en préambule - l'homme est aujourd'hui candidat à la présidence de l'AMF, appuyé sur une équipe pour le bureau et le comité directeur. Ce fait communal cependant, estime-t-il, fonctionne très bien, et il est "irremplaçable".
"Nos concitoyens le ressentent très bien", développe-t-il. Le "fait communal" articule à la fois de la proximité, de l'efficacité, de la responsabilité, et de la réactivité. "Les maires réagissent immédiatement à tout événement exceptionnel avec leurs équipes. On a bien vu pendant la crise sanitaire combien les maires et leurs équipes étaient essentiels." Président du conseil supérieur de la fonction publique territoriale, Philippe Laurent défend que la fonction du maire c'est, aussi, de faire fonctionner une équipe et d'en obtenir "une qualité accrue du service public local délivré à nos concitoyens".
Ce fait communal est battu en brèche depuis plusieurs années, regrette-t-il, lui qui publie en cette rentrée "Maires de toutes les batailles", qui plaide "pour en finir avec l'hypocrisie décentralisatrice". "Les maires doivent retrouver des marges de manœuvre, Nous sommes à un moment charnière", croit-il, à l'unisson des grandes associations d'élus locaux.
S'appuyant sur son expérience de premier magistrat, il a détaillé, ce 14 septembre, lors de l'arrêt du Tour des Villes à Sceaux pour une matinale d'une heure et demie, dans quels domaines, et dans quel jeu d'acteurs, sa ville s'est donnée un destin différent de celui des banlieues résidentielles qui l'entourent, et comment s'y maintient une forme de cohésion sociale.
"Ce n'est pas une ville riche, démine-t-il tout d'abord, mais une ville où vivent des habitants à hauts revenus". Et pas seulement, puisque la commune possède et développe un parc de logements sociaux. Si l'on excepte l'ensemble des Blagis, ce parc social est disséminé dans la ville, agrandi et géré par une SEM de HLM, qui est venu remplacer les offices de Sceaux et de Bourg-la-Reine, suite à la loi Elan. En effet, les contraintes que cette loi a fait peser sur les organismes HLM ne s'appliquent pas au SEM immobilières de HLM. A la Fédération des EPL, on confie d'ailleurs discrètement qu'en quelques années, le parc de logements sociaux portés par ce type d'entreprises publiques locales s'est accru de plus de 100 000 unités.
'Il faut exister au milieu d'une grande métropole. C'est une question d'image et de réputation. C'est ce qui nous a permis de préserver une ville de province à 6 km du périphérique. '
Sceaux est-elle une ville-modèle ? A l'heure où l'on cherche beaucoup l'équilibre d'une ville dense qui évite l'étalement urbain sans pour autant étouffer ses habitants, Sceaux offre une qualité de vie 'tout-à-fait remarquable', dit son maire.
'Evidemment, il y a une question de prix', ajoute-t-il aussitôt. La vie est plus chère qu'en province ou même à 50 km de Paris. Mais, en contrepartie, le niveau de services offert est de grande qualité, en matière de petite enfance, d'écoles, de culture, de sport... La limite, ce sont les ressources financières de la commune. 'Nous sommes pénalisés par les réformes des dotations de l'Etat, et par la suppression de la taxe d'habitation'', explique ce spécialiste des finances locales. Une partie des dotations est calculée en fonction du revenu des habitants, revenu ici élevé, alors que, rappelle Philippe Laurent, 'la commune n'a pas de retour de ce revenu élevé - il n'y a pas d'impôt local sur le revenu'. Sceaux n'est pas une ville riche, et même 'la situation financière devient tendue'. Cela sera un défi de maintenir le niveau actuel de services. C'est la priorité municipale - par exemple la capacité à satisfaire 85% des demandes de places en crèches.
Autre priorité : Philippe Laurent veut maintenir l'équilibre entre habitat collectif, qui loge 70% des Scéens, contre 30% en habitat individuel. 'La Ville de Sceaux dépasse les 25% de logements sociaux, mais on ne les voit pas, car ils sont répartis et intégrés, à l'exception du quartier Nord', se félicite Philippe Laurent. 'Mais nous avons dû résister à la tendance à la massification des acteurs du logement social, et créer un nouvel outil en commun avec Bourg-la-Reine, une SEM de HLM'. Elle gère 1 800 logements et construit en pourcentage de son parc, plus que la plupart des grands organismes.
Première "ville marchable d'Île-de-France, Sceaux veut favoriser le vélo - "ce qui ne passe pas forcément par des pistes cyclables, les enfants apprennent à manier le vélo dans les écoles".
La politique d'urbanisme des municipalités successives a consisté à délimiter des zones où l'on pouvait densifier, et notamment, dans les années 50, sur les terrains utilisés pour le maraîchage ou les vergers, et le long des grands axes. Le reste a été préservé, et le maire peut parler d'une "ville très verte avec une majorité de jardins privés possédant de grands arbres remarquables", sans parler du parc de Sceaux. La Ville profite également de la coulée verte qui la traverse. L'urbanisme traite aussi la proximité avec le parc de Sceaux, et notamment "le lotissement du parc de Sceaux", loti par le département de la Seine dans les années 30, avec aujourd'hui une gouvernance des colotis, encadré par un cahier des charges, transposé en partie dans le PLU pour ce qui concerne les mesures relevant du droit administratif.
"Surtout, dit Philippe Laurent, nous avons essayé de faire valoir une exigence de grande qualité architecturale" - exigence pas toujours comprise par les pétitionnaires. Un de ses adjoints est en charge de la culture, du patrimoine et de l'esthétique urbaine. L'adjoint à l'urbanisme est "plus technicien". Et tous les dossiers d'urbanisme sont vus par ces deux adjoints - et par le maire, président d'un CAUE 92 très sollicité ici. La collaboration avec l'ABF est "très bonne". Tous les promoteurs sont dans l'obligation d'organiser un concours d'architectes.
Lors de l'extension du centre-ville sur les terrains de l'imprimerie Charaire, à la fin des années 80, achetés par la Ville, poursuit l'édile, "nous avons fait le choix de ne pas vendre les terrains, mais de les donner en bail à construction. A partir de ce moment-là, nous avons initié une politique de maîtrise foncière. "Les logements sociaux réalisés par notre office devenu SEM sont construits sur des terrains qui continuent d'appartenir à la Ville", développe Philippe Laurent, qui estime avoir fait du BRS avant l'heure.
"Ce montage permet d'éviter que des terrains dédiés à un moment à une résidence étudiante par exemple, puissent être utilisés à une autre fin sans notre accord. Nous pratiquons la séparation du foncier et du bâti depuis quarante ans." La Ville a notamment préservé son hôtel grâce à ce mécanisme. Une démarche en effet pionnière.
Le maire "qui est un agent de l'Etat", rappelle Philippe Laurent, trouve à Sceaux un champ de démonstration et d'expérimentation des possibles, mais, note-t-il, "en coordination avec le préfet et les services déconcentrés de l'Etat". Défenseur à ce titre d'une déconcentration efficace et non coercitive, le candidat à la présidence de l'AMF déploie des cas d'espèce jusque dans la gestion de l'insécurité, et la coordination entre polices, toujours dans le même objectif : l'équilibre.
Rémi Cambau, rédacteur en chef de Cadre de Ville
Un Tour des villes en 2021 organisé par le CEPS et le Club Ville de Demain
Après Roubaix le 8 juin, Biarritz, Bourges, Cannes et Clermont-Ferrand, Nevers en juillet et Sceaux le 14 septembre, le Tour des villes va s'arrêter aux Sables d'Olonne le 28 septembre.
Le CEPS et son club Ville de Demain, présidé par Jean-Christophe Fromantin, maire de Neuilly-sur-Seine, ont pris l’initiative de créer le Tour des Villes, en coopération avec le Fonds Indarra et en association avec Cadre de Ville. Le projet a pour vocation de permettre à des maires de villes moyennes d’exprimer leur point de vue, leurs attentes et leurs priorités afin de réfléchir aux solutions d’avenir des territoires français. Dans cette optique, le CEPS organise, chaque mois pendant un an, une session débat auprès d’un maire.
En fin de cycle sera rédigé, suite à ces rencontres, un rapport final qui prendra la forme d’une plateforme de propositions d’attractivité urbaine (les atouts à développer), et de recommandations territoriales (les moyens à mettre en œuvre).
Fondé en 1985, le Centre d’Etude et de Prospective Stratégique est une Organisation internationale non-gouvernementale (OING) qui représente 1000 décideurs de 50 nationalités différentes et qui est à l’intersection de multiples domaines stratégiques. Officiellement reconnu par le Conseil de l’Europe, la Commission Européenne, l’OCDE, l’Unesco et l’OIF, le CEPS dispose de représentations à Abidjan, Alger, Berlin, Beyrouth, Bruxelles, La Haye, Londres, Rome, Washington.
2024 - L’ACHAT PUBLIC ENTRE AVERTISSEMENTS, PROMESSES ET DEFIS
L’année 2024 est très certainement prometteur pour l’achat public. Grace à des formations initiales et continues qui ne cessent de se développer, la professionnalisation des acheteurs est réellement en marche. Ayant pris pleinement conscience de son impact économique et par la même social - l’achat public de travaux fournitures et services représentant en moyenne 20% de leur budget- de plus en plus de structures publiques et para publiques ont mis en place de véritables services dédiés à ce qu’il convient de considérer comme un puissant levier des politiques publiques. Gageons que cette année verra se prolonger des réflexions et débats déjà entamés sur l’impact de l’intelligence artificielle sur l’achat public, la cybercriminalité et la protection des données personnelles dans l’acte d’achat, l’extension de la location au détriment de l’achat proprement dit, l’instrumentalisation des ces quelques dizaines de milliards d’euros annuels au service de différentes politiques dont la souveraineté nationale et -ce n’est à priori pas antinomique- la protection de la planète…
Lire plusRelocalisons les marchés publics !
La commande publique, qu’elle émane des services de l’Etat ou des collectivités, représente des enjeux économiques considérables et ne peut subir aucune inégalité de traitement.
Lire plusMarché public global de performance à paiement différé : une fausse joie ?
Ce fut la bonne nouvelle du printemps : le marché global de performance, jusque-là bridé par le sacro-saint principe d’interdiction de paiement différé, a enfin vu son régime assoupli sur ce point par la loi 2023-222 du 30 mars dernier. Certes limité aux travaux de rénovation énergétique - un domaine où les besoins sont évidemment immenses -, et pour une période expérimentale de 5 ans, cette possibilité tant attendue par les acteurs tant publics que privés de la construction de pouvoir étaler les paiements des investissements a été perçue comme une véritable bouffée d’air. Pourtant, du fait d’amendements déposés pendant l’étude du texte, la montagne risque d’accoucher d’une souris. C’est bien dommage : le secteur de la construction et de l’aménagement aurait bien mérité de bénéficier d’un outil simple et efficace à une époque où l’environnement tant national qu’international ne lui apporte pas que de bonnes nouvelles.
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