Les entreprises publiques locales - sociétés d'économie mixte "classiques" ou à "opération unique", et les sociétés publiques locales, doivent respecter les mêmes règles de passation et d'exécution des marchés publics que les collectivités locales et structures intercommunales qui en sont membres. En d'autres termes, elles sont considérées comme des acheteurs publics à part entière et relèvent tant de l'ordonnance du 23 juillet 2015 que de son décret d'application du 25 mars 2016.
Dès lors qu'elles étaient, avant la parution de ces nouveaux textes, soumises à l'ordonnance du 6 juin 2005, qui s'apparentait de près au code des marchés publics de 2006, elles ne devraient cependant pas être bouleversées par une telle évolution. Il n'est pourtant pas certain qu'elles en aient tout à fait conscience, ou qu’elles l’intègrent aussi facilement.
Concrètement, les entreprises publiques locales sont donc soumises aux mêmes règles que les autres acheteurs publics. Ainsi, au-delà des seuils des marchés formalisés, elles devront souscrire des appels d'offres, sauf à entrer dans les critères permettant de recourir à la procédure concurrentielle avec négociation ou le dialogue compétitif. Elles pourront faire du Sourcing, seront soumises à l'obligation d'allotir, verront leurs procédures totalement dématérialisées au 1er octobre 2018, pourront souscrire des partenariats d'innovation, des marchés globaux de performances, voire même des marchés de partenariat. Leur seront de même ouvertes les possibilités de coopération public- public, et donc la possibilité de mettre en commun activités et prestations avec un autre acheteur, l'article 18 de l'ordonnance de 2015 faisant référence aux pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices sans distinguer entre personnes publiques et personnes privées.
En cohérence avec la distinction code 2006-ordonnance 2005, les nouveaux textes conservent malgré tout des différences de régime entre les acheteurs ex code et ceux relevant de l'ex-ordonnance, dont les entreprises publiques locales, ce qui n'en facilite d'ailleurs pas la lecture.
Tout d'abord, le seuil de 90.000 euros HT au-delà duquel une publication au sein d'un Journal habilité à recevoir des annonces légales est obligatoire ne s'impose pas aux acheteurs ex ordonnance, qui " choisissent librement les modalités de publicité adaptées en fonction des caractéristiques du marché public, notamment le montant et la nature des travaux, des fournitures ou des services en cause" (article 34 décret du 25 mars 2016).
Ensuite, ils n'ont à publier leurs avis d'attribution pour leurs marchés formalisés qu'au JOUE, les acheteurs ex-code 2006 devant en plus publier au BOAMP (article 104 du décret).
Par ailleurs, la procédure du concours de maîtrise d'œuvre ne s'impose pas à eux, même pour des constructions neuves au-delà des seuils formalisés (article 90 du décret: quel que soit le montant du marché de maîtrise d'œuvre, ils pourront choisir entre l'appel d'offres, la procédure concurrentielle avec négociation ou le dialogue compétitif, voire les marchés négociés sans publicité ni concurrence s'ils rentrent dans un des cas qu'ils prévoient).
Enfin, les articles 110 à 131 du décret relatifs à l'exécution financière des marchés ne s'appliquent pas aux acheteurs ex-ordonnance 2005, qui peuvent néanmoins en faire" volontairement application " en fonction de l'article 29 du décret. Ainsi, le mécanisme des avances, acomptes, retenue de garantie ou cession de créance ne peut leur être imposé comme aux autres acheteurs publics.
L'achat public et les règles sur lesquelles il repose est donc uniformisant, et même transcendant au regard de la nature juridique des structures concernées.
Ainsi, les marchés formalisés des entreprises publiques locales doivent être transmis au contrôle de légalité - article L 1524-1 du CGCT-, à l'instar de ceux des collectivités territoriales et de leurs groupements. De même, elles peuvent choisir d'appliquer- tout en y dérogeant par endroits- les CCAG tels qu’édictés par décrets et applicables à l'ensemble des acheteurs publics.
Les dispositions sur la sous traitance, et en premier lieu celles de la loi du 31 décembre 1975, s'appliquent également à leurs contrats de travaux, l'article 62 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 ne faisant pas la différence là encore entre les structures publiques et privées, l'essentiel étant que le marché en cause soit considéré comme un contrat d'entreprise.
Il en est de même s'agissant des règles relatives aux délais de paiement issues de la loi 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'union européenne en matière économique et financière et le décret 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique. A noter cependant que, en vertu de ces textes, le délai de paiement applicable aux entreprises publiques n'est pas de 30 mais de 60 jours. Les entreprises publiques locales entrent elles toutes dans cette catégorie? Dès lors qu'on entend par entreprise publique " tout organisme qui exerce des activités de production ou de commercialisation de biens ou de services marchands et sur lequel une ou des personnes publiques exercent, directement ou indirectement, une influence dominante en raison de la propriété, de la participation financière ou des règles qui la régissent "- ordonnance 2004-503 du 7juin 2004-, la réponse apparait positive. Et étant donné que les entreprises publiques locales voient leur capital détenu majoritairement ou entièrement par des personnes publiques, qui disposent également de la majorité des droits de vote ou désignent plus de la moitié des membres de leurs organes de direction, il apparait en effet plausible de les qualifier d'entreprises publiques; bien que la fiche DAJ relative aux délais de paiement dans les contrats de la commande publique soit plus réservée s'agissant des structures en quasi régie, et donc des SPLA et SPL, dès lors qu'elles ne peuvent être regardées comme des opérateurs économiques agissant de leur propre initiative et sur un marché concurrentiel. Une réponse ministérielle du 25 avril 2013- n°5096, JO Sénat p 1344-a néanmoins confirmé que les entreprises publiques locales- ce qui inclut les SPLA et SPL- se voyaient appliquer le délai de 60 jours.
Certaines SEMOP pourraient notamment échapper à cette qualification, s'agissant en l'espèce de celles ou le capital est majoritairement détenu par des personnes privées. Mais on pourrait aller plus loin et carrément leur dénier la nature de pouvoir adjudicateur, sauf à actionner le critère du contrôle de leur gestion par un autre pouvoir adjudicateur, et notamment celui dont un des représentants la préside et qui lui confie l'exécution d'un contrat.
Par contre, une caractéristique propre aux entreprises publiques locales est maintenue: en tant que sociétés anonymes, et en vertu d'une jurisprudence récurrente- TC 17 décembre 2001, société Lyon Parc Auto, req 01-03262; CE, 11 mars 2011, CA du Grand Toulouse, req 330722-leurs marchés même soumis à l'ordonnance du 23 juillet 2015, resteront des contrats de droit privé soumis au juge judiciaire en cas de contentieux. C'est donc le TGI qui interviendra par exemple pour juger des recours en référé pré contractuel ou contractuel susceptibles d'être intentés contre ces contrats.
Jean-Marc Peyrical
Cabinet Peyrical & Sabattier Associés
Président de l’APASP (Association Pour l’Achat dans les Services Publics)
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