Le mensonge est un vilain défaut qui peut coûter cher à l’entreprise candidate à un marché public. La cour administrative d’appel (CAA) de Paris a rendu un arrêt significatif en la matière, faisant du mensonge du soumissionnaire une cause d’annulation du contrat devant le juge. C’est donc le triomphe de l’égalité de traitement des candidats, l’un des principes fondateurs de la commande publique.
Dans les faits, la ville de Paris avait lancé un appel d’offres pour l’attribution d’un marché d’enlèvement et de mise en fourrière des véhicules stationnant irrégulièrement sur la voie publique. Le lot n°3 (secteurs « Balard » et « Foch ») a été attribué à la société Interdépannage, au détriment de l’offre proposée par le groupement des sociétés Clichy Dépannage et CRC. Après le rejet de son référé précontractuel, le groupement malheureux a décidé de saisir le juge du contrat du tribunal administratif de Paris. Il a alors obtenu la résiliation du marché, ce qu’a contesté la ville de Paris en appel. Cette dernière n’obtiendra toutefois pas satisfaction, la CAA de Paris confirmant la nullité du contrat.
Pour apprécier la valeur technique des véhicules, le pouvoir adjudicateur avait mis en place un sous-critère relatif à l’existence d’atelier de réparation des véhicules d’enlèvement. L’entreprise titulaire a obtenu le nombre de points maximal sur cet élément, mentionnant qu’elle possédait quatre ateliers à proximité de Paris. A la lecture du rapport d’analyse des offres, le groupement évincé a décidé de mener son enquête et a produit quatre attestations déclarant l’inexistence d’ateliers de réparation appartenant à la société titulaire. Alors qu’il était simple pour la société Interdépannage de prouver l’existence desdits ateliers, celle-ci n’a apporté aucun justificatif. La CAA de Paris a alors considéré le caractère mensonger des déclarations litigieuses comme établi.
Toutefois, un tel mensonge était-il suffisant pour engendrer la nullité du marché public ? Selon la jurisprudence Société Tropic Signalisation alors en vigueur (16 juillet 2007, n°291545), reprise sur ce point par la jurisprudence actuelle Tarn et Garonne (3 avril 2014, n°358994), seul un vice d’une particulière gravité peut justifier l’annulation d’un marché. En l’espèce, les renseignements erronés représentaient 4% du critère de la valeur technique, lui-même pondéré à 35% de l’appréciation totale de l’offre. Il est donc peu probable que ces informations mensongères aient eu une influence significative sur le choix du titulaire. Les juges d’appels ont toutefois considéré qu’un mensonge, quel que soit son impact sur le choix de l’attributaire, caractérise un comportement déloyal d’une gravité telle qu’il permet l’annulation du contrat.
En outre, la ville de Paris n’a pas faire preuve de suffisamment de diligence dans cette affaire. Pour rappel, le Conseil d’Etat a estimé que l'absence de contrôle effectif d'un sous-critère ne permet pas au pouvoir adjudicateur d'examiner la teneur réelle des offres et donc de placer les candidats sur un pied d'égalité (9 novembre 2015, n°392785). La résiliation du contrat aurait donc pu être évitée si, en amont, la ville de Paris avait fait preuve de plus d’attention quant aux informations fournies par les candidats.
L’APASP
www.apasp.com
Référence :
CAA de Paris, 29 juillet 2016, n°15PA02427
http://arianeinternet.conseil-etat.fr/arianeinternet/getdoc.asp?id=143600&fonds=DCA&item=1
Achat et commande publics : on continue de vivre une époque formidable
Les années passent et se ressemblent… cette nouvelle année qui s’ouvre pour la commande publique s’accompagne, comme toujours, d’interrogations sur ce qui attend les acheteurs et la sauce à laquelle ils vont pouvoir être mangés. Les deux décrets 2024-1217 et 2024- 1251 publiés les 28 et 30 décembre derniers ont à la fois clôturé l’année passée et donné le la pour celle à venir : l’évolution des textes est et va rester constante, un peu comme un pendule de Foucault et son éternel mouvement. Bien sûr, dès lors que ces évolutions sont motivées par des intentions louables, comme celle de la simplification des règles, elles ne sont pas contestables en soi ; même si on a ici et là la désagréable impression qu’on a de plus en plus tendance à s’éloigner de l’acte d’achat proprement dit, avec ses objectifs d’efficacité et de bonne gestion de l’argent public, au bénéfice d’autres objectifs dont celui de la protection de l’environnement et du développement durable.
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L’année 2024 est très certainement prometteur pour l’achat public. Grace à des formations initiales et continues qui ne cessent de se développer, la professionnalisation des acheteurs est réellement en marche. Ayant pris pleinement conscience de son impact économique et par la même social - l’achat public de travaux fournitures et services représentant en moyenne 20% de leur budget- de plus en plus de structures publiques et para publiques ont mis en place de véritables services dédiés à ce qu’il convient de considérer comme un puissant levier des politiques publiques. Gageons que cette année verra se prolonger des réflexions et débats déjà entamés sur l’impact de l’intelligence artificielle sur l’achat public, la cybercriminalité et la protection des données personnelles dans l’acte d’achat, l’extension de la location au détriment de l’achat proprement dit, l’instrumentalisation des ces quelques dizaines de milliards d’euros annuels au service de différentes politiques dont la souveraineté nationale et -ce n’est à priori pas antinomique- la protection de la planète…
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