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Le 01/06/2017 à 12h

Conventions d'occupation domaniale: l'heure de la mise en concurrence a sonné

" Aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n'imposent à une personne publique d'organiser une procédure de publicité préalable à la délivrance d'une autorisation ou à la passation d'un contrat d'occupation d'une dépendance du domaine public (...) même lorsque l'occupant de la dépendance domaniale est un opérateur sur un marché concurrentiel". Si le Conseil d'Etat, dans son fameux arrêt ville de Paris- association Jean Bouin du 3 décembre 2010, a ainsi clairement fermé le débat qui se posait en la matière, il a été contredit par la Cour de Justice de l'Union Européenne six ans plus tard.

En effet, dans un arrêt du 14 juillet 2016, décision dite Prompoimpresa Srl, elle a jugé que l'attribution d'une autorisation d'occupation du domaine public - en l'espèce maritime et lacustre - devait respecter les règles fondamentales du TFUE en général, et le principe de non-discrimination en particulier. Et "dans la mesure où une telle concession présente un intérêt transfrontalier certain, son attribution, en l'absence de toute transparence, à une entreprise située dans l'Etat membre dont relève le pouvoir adjudicateur est constitutive d'une différence de traitement au détriment des entreprises susceptibles d'être intéressées par celle-ci et qui sont situées dans un autre Etat membre".

C'est en conséquence de cette évolution jurisprudentielle qu'une récente ordonnance a mis en place des obligations de publicité et de mise en concurrence préalables pour certaines autorisations et conventions d'occupation domaniales.

Conventions d'occupation domaniale: l'heure de la mise en concurrence a sonné

Une petite révolution

L'ordonnance 2017-562 du 19 avril 2017, relative à la propriété des personnes publiques, a modifié le droit applicable jusque-là, tel qu'il découlait du code général de la propriété des personnes publiques. Cette ordonnance a été prise en application de l'article 34 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2. Cet article a autorisé le gouvernement à prendre par ordonnance des mesures relatives aux "obligations de publicité et de concurrence applicables à certaines autorisations d'occupation " et a précisé "l'étendue des droits et obligations des bénéficiaires de ces autorisations".

A partir du 1er juillet 2017, donc dans moins d'un mois, les collectivités publiques devront, lorsqu'elles souhaitent conférer un titre d'occupation ou d'utilisation de leur domaine public en vue d'une exploitation économique, " organiser librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d'impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester".

Au regard de la jurisprudence du Conseil d'Etat précitée, mais aussi de la pratique de bon nombre de structures publiques, c'est donc un virage important qui est pris avec de telles dispositions. Des contrats publics qui y échappaient jusqu'à présent sont rattrapés par les procédures de publicité et de concurrence. A noter, cependant, que de plus en plus de collectivités locales - ou, à titre d'illustration concrète, d'établissements comme le Sénat dans le cadre de la gestion des dizaines d'occupations privatives de parcelles du parc du Luxembourg - n'ont pas attendu l'évolution des textes pour soumettre à de telles procédures certaines de leurs autorisations d'occupation domaniales.

Envisager la mise en concurrence de contrats - ou d'actes unilatéraux, ce qui est plus rare notamment sur le plan local - qui ne sont ni des marchés publics ni des concessions, à moins qu'ils ne soient rattachés à ces derniers - comme pour les marchés de mobilier urbain par exemple - et ne soient dans ce cas inclus dès lors qu'ils en sont l'accessoire au sein de la procédure qui leur est applicable apparaît donc novateur pour beaucoup. Lancer une procédure pour choisir un concessionnaire d'eau potable, le constructeur d'une école ou le fournisseur de véhicules est une chose. En lancer une pour choisir un restaurateur, des exploitants de kiosques à journaux, de stations-service ou de de terrains de tennis en est une autre.

Le texte précise tout de même qu'il ne s'applique qu'aux occupations et utilisations domaniales en vue d'une exploitation économique. Seules les activités marchandes, et donc de production, de vente ou de location avec rémunération et TVA à la clé devraient être concernées... c'est à dire la grande majorité d'entre elles. En effet, les activités non lucratives, à caractère purement social ou cultuel par exemple, ne sont pas majoritaires en l'espèce. C’est d’autant plus vrai puisque la notion européenne d'activité économique sur laquelle semble s'être calquée l'ordonnance est particulièrement extensive.

Une souplesse préservée

L'ordonnance du 19 avril ne définit pas de procédure très précise pour l'octroi des autorisations en cause, laissant une liberté certaine aux collectivités à ce stade, un peu comme pour les MAPA en marchés publics, mais en étant encore plus souple. Il appartient donc à ces dernières de définir leurs propres règles du jeu, tant en termes de supports de publicité que de sélection des attributaires, et donc de critères de choix. Ces règles pouvant varier en fonction de la nature des occupations et des contraintes - d'investissement notamment - demandées aux candidats, l'essentiel est que les procédures mises en œuvre répondent aux obligations de transparence, tant en amont (publicité) qu'en aval (justifications sur le choix des occupants).

Le texte est encore plus souple lorsqu'il évoque les autorisations de courte durée. En fait de très courte durée, le compte rendu du conseil des ministres du 19 avril qui a présenté l'ordonnance évoque des occupations délivrées quotidiennement. Cela concerne par exemple des manifestations artistiques et culturelles, des manifestations d'intérêt local ou des privatisations temporaires de locaux, ou lorsque le nombre d'autorisations disponibles pour l'exercice de l'activité économique projetée n'est pas limité. Il s’agit d’autorisations pour lesquelles" l'autorité compétente n'est tenue que de procéder à une " (article 3 de l'ordonnance).

Bien plus, les obligations de publicité ne s'appliquent pas lorsque l'urgence le justifie (le titre ne peut dans ce cas excéder un an) ou lorsqu'il s'agit, avec quelques limites de durée, de prolonger une autorisation existante. Il en est de même dans plusieurs situations, pour lesquelles ces publicités s'avèrent impossibles ou non justifiées. Cela concerne le cas où une seule personne est en droit d'occuper la dépendance domaniale en cause (le compte rendu précité du conseil des ministres évoque notamment l'exclusivité justifiée par des raisons artistiques ou culturelles). Autres contextes dans lesquels les obligations de publicité sont levées : celui ou la procédure n'a pas donné de résultats ou encore lorsque "les caractéristiques particulières de la dépendance, notamment géographiques, physiques, techniques ou fonctionnelles, ses conditions particulières d'occupation ou d'utilisation ou les spécificités de son affectation le justifient au regard de l'exercice de l'activité économique projetée"... Cela va laisser une marge d'appréciation plutôt considérable aux collectivités publiques, qui devront dans de tels cas bien justifier et expliquer leurs décisions.

Enfin, un peu comme pour les contrats de partenariat qui relevaient de l'ordonnance du 17 juin 2004, le même article 3 de l'ordonnance reconnaît la possibilité de délivrer un titre d'occupation "à la suite d'une manifestation d'intérêt spontanée". Mais la collectivité publique doit s'assurer dans ce cas, par une publicité suffisante, de l'absence de toute autre manifestation d'intérêt concurrente. Elle devra en d'autres termes mettre en concurrence l'opérateur auteur de la candidature spontanée avec ces dernières, et donc à un moment donné comparer les offres reçues si tant est qu'il y en ait eu plusieurs. On imagine en effet assez mal dans ce cas un appel à d'autres manifestations d'intérêt que celle reçue spontanément sans que, à un moment donné ou un autre, un tel travail de comparaison ne soit effectué afin de légitimer le choix de l'attributaire de l'autorisation.

En d'autres termes, ce n'est pas parce que le texte ne mentionne que des obligations de publicité qu'elles sont déconnectées des obligations de mise en concurrence et de sélection des offres reçues.

Jean-Marc PEYRICAL
Cabinet Peyrical & Sabattier Associés
Président de l’APASP
Directeur Scientifique du Cercle Colbert

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