Un récent séminaire Apasp s'est tenu aux Antilles et en Guyane sur l'actualité des marchés publics.
Il n'est pas inintéressant de revenir sur son déroulement et les thèmes qui y ont été abordés, qui sont une sorte de baromètre de la perception de la commande publique aujourd'hui tant par les acheteurs publics que les opérateurs économiques.
La loi du 28 février 2017 relative à l'égalité outre-mer a donc mis en place un mécanisme autorisant les pouvoirs adjudicateurs ultramarins à réserver un tiers de leurs marchés publics aux PME locales. Même s'il ne s'agit que d'une expérimentation de 5 ans, c'est une mesure évidemment contraire aux grands principes qui gouvernent la commande publique, en premier lieu l'égalité de traitement des candidats...
Au-delà de cette contradiction, les acheteurs ultra marins ont fait preuve d'une réserve sur trois points:
1-La limite difficile à comprendre des 15% par an du montant des marchés passés dans le secteur concerné au cours des trois dernières années (...)
2- La notion de local: dès lors qu'il a été confirmé par le décret d'application du 2 février 2018 que cela se calquait sur l'ensemble du territoire de chaque collectivité d'outre-mer concernée - essentiellement les Régions Guadeloupe et Réunion et les collectivités uniques de Guyane et Martinique-, les communes et intercommunalités se sont senties plutôt déçues...
3- La notion de PME: dès lors qu'il s'agit d'entreprises dont le Chiffre d'Affaires peut monter jusqu'à 50 millions d'euros, la quasi-totalité des opérateurs se situant sur les territoires en cause ne sont que des PME, même si certaines filiales des grands groupes pourraient ne pas être qualifiées comme telles au vu des critères européens - cf. encadré.
Cette dernière réserve s'amplifie encore avec le deuxième volet de la loi- confirmé par le décret d'application précité du 2 février dernier- qui impose aux opérateurs économiques soumissionnant aux marchés de plus de 500.000 euros HT de produire dans leur offre un plan de sous-traitance aux PME locales...sachant que cela ne s'applique pas aux opérateurs- PME, on peut effectivement s'interroger sur la pertinence de la mesure, voire sur l'utilité de réglementer un domaine où la pratique et peut être la confiance entre les acteurs concernés devrait plutôt prévaloir...
Les acheteurs Antillais et Guyanais ont tout d'abord accueilli la bonne nouvelle de la parution future d'un code de la commande publique qui va réunir divers textes applicables aux marchés publics et aux concessions, dans un objectif de meilleure lisibilité de règles marquées par un éclatement des sources ; ce d'autant que la consultation publique sur le projet de code ouverte par la DAJ de Bercy ne se termine pour eux que le 28 mai.
Par ailleurs, comme beaucoup d'acheteurs publics, ils ont réalisé que les dates fatidiques annoncées par les textes de 2015 et 2016 étaient soit très proches, s'agissant en l'espèce du premier octobre 2018 pour la dématérialisation totale des échanges et procédures ou encore l'open data, soit déjà passées à l'instar du premier avril dernier qui ne permet plus aux acheteurs de refuser des dossiers de candidature présentés sous la forme du Document Unique de Marché Européen (DUME). Ils en ont retenu la nécessité de se lancer dans des chantiers immédiats comme celui de se doter d'un profil acheteur, et donc de s'affilier à une plateforme spécialisée à même de pouvoir respecter les contraintes de sécurité et de traçabilité découlant des arrêtés du 14 avril 2017; ou encore ceux de se doter d'un certificat de signature électronique mais aussi d'une gestion électronique documentaire (GED) dans le but de gérer l'archivage et le stockage des documents dématérialisés. Et puis, alors qu'il est pour le moment très peu utilisé dans les territoires ultra marins, l'utilité du recours au Marché Public Simplifié - MPS- a bien été comprise, surtout dans la perspective de sa fusion avec le DUME. L'idée qu'un simple numéro Siret relié à une plateforme puisse dans un proche avenir se substituer au dossier de candidature actuel a évidemment séduit acheteurs- et les quelques entreprises présentes-, même s'ils ont eu un peu de mal à visualiser et se projeter dans ce qu'ils ont considéré comme étant une vraie révolution.
Moins de contraintes procédurales, disparition des échanges papier, big data : les acheteurs participant au séminaire en ont conclu qu'ils allaient pouvoir se concentrer sur des tâches essentielles et en premier lieu la définition des besoins et la rédaction de leurs DCE. L'objectif de travailler sur des cahiers des charges mais aussi des critères de choix plus adaptés aux domaines d'intervention de leurs marchés leur est apparu indispensable à atteindre, de même que celui- du sourcing aux clauses de réexamen en passant par les procédures négociées- du développement des échanges et discussions avec des opérateurs économiques qu'ils connaissent finalement assez peu.
Les acheteurs ultra marins se préparent donc eux aussi à franchir le grand virage de la numérisation de l'achat public; une de leurs craintes étant que les artisans et TPE ne soient pas tous prêts à le faire; une partie d'entre eux risquant de ne plus pouvoir répondre aux consultations lancées après le premier octobre prochain, ce qui pourrait entraîner dans certains secteurs des pénuries d'offres préjudiciables à leurs projets.
Jean-Marc PEYRICAL
Avocat à la Cour, Président de l’APASP
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