Le conflit d’intérêt est un sujet qui fait trembler bon nombre d’entreprises et de personnes publiques. Pourtant, rares sont les cas où le juge est amené à trancher ce type d’affaires dans la sphère de la commande publique.
Deux textes ont concrétisé la notion de conflit d’intérêt dans la commande publique. Le premier en date est la loi de 2013 relative à la transparence de la vie publique. Son premier article impose aux élus et aux agents chargés d'une mission de service public d’exercer « leurs fonctions avec dignité, probité et intégrité ». Ils doivent également veiller « à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d'intérêts ».
Entrée en vigueur en avril 2016, l’ordonnance Marchés publics a pour sa part établi une définition du conflit d’intérêt propre au domaine de la commande publique. Selon l’article 48, « Constitue une situation de conflit d'intérêts toute situation dans laquelle une personne qui participe au déroulement de la procédure de passation du marché public ou est susceptible d'en influencer l'issue a, directement ou indirectement, un intérêt financier, économique ou tout autre intérêt personnel qui pourrait compromettre son impartialité ou son indépendance dans le cadre de la procédure de passation du marché public. ». Lorsqu’une personne publique se retrouve face à une telle situation, l’ordonnance lui permet d’exclure le candidat concerné de la procédure de passation du marché public.
Au vu de ces deux textes, les acheteurs publics ont donc une vision plus claire du conflit d’intérêts et disposent de moyens pour réagir lorsqu’ils s’y retrouvent confrontés. Toutefois, le conflit d’intérêt n’est pas inévitable, la collectivité ne disposant pas de moyens d’investigation infinis sur chaque personne intervenant dans l’attribution d’un contrat. C’est notamment ce qu’il ressort d’un jugement du 13 mars 2018.
Dans les faits, la ville de Saint-Maur-des-Fossés avait attribué une délégation de service public (DSP) pour la gestion de son centre équestre municipal à l’UCPA Sports Loisirs. Candidate évincée, la société Artimus Consulting a alors saisi le tribunal administratif de Melun, demandant l’annulation dudit contrat. Elle reprochait à l’assistant à maitrise d’ouvrage (AMO) d’avoir compromis l’impartialité de la procédure. En effet, le doute pouvait se comprendre puisque la DSP a été attribuée à l’UCPA le 22 juillet 2016 et, le 8 août, l’AMO a été embauché au sein de la société concessionnaire.
Compte tenu du rôle fondamental joué par l’AMO au cours de la procédure et dans l’attribution du contrat (rédaction du dossier de consultation, participation aux réunions de sélection des candidats, d’analyse des offres ainsi qu’aux différentes phases de négociation), le juge a estimé que son recrutement concomitant par la société concessionnaire était susceptible d’être perçu comme compromettant l’impartialité de la procédure. En effet, bien que le recrutement ait eu lieu quelques jours après l’attribution de la DSP, le processus de recrutement avait sans aucun doute commencé pendant la procédure d’attribution de la DSP. Sanctionnant sévèrement ce conflit d’intérêt entre l’AMO et l’UCPA, le tribunal administratif a annulé la DSP, malgré les nombreux travaux déjà entrepris par le concessionnaire.
L’APASP
2024 - L’ACHAT PUBLIC ENTRE AVERTISSEMENTS, PROMESSES ET DEFIS
L’année 2024 est très certainement prometteur pour l’achat public. Grace à des formations initiales et continues qui ne cessent de se développer, la professionnalisation des acheteurs est réellement en marche. Ayant pris pleinement conscience de son impact économique et par la même social - l’achat public de travaux fournitures et services représentant en moyenne 20% de leur budget- de plus en plus de structures publiques et para publiques ont mis en place de véritables services dédiés à ce qu’il convient de considérer comme un puissant levier des politiques publiques. Gageons que cette année verra se prolonger des réflexions et débats déjà entamés sur l’impact de l’intelligence artificielle sur l’achat public, la cybercriminalité et la protection des données personnelles dans l’acte d’achat, l’extension de la location au détriment de l’achat proprement dit, l’instrumentalisation des ces quelques dizaines de milliards d’euros annuels au service de différentes politiques dont la souveraineté nationale et -ce n’est à priori pas antinomique- la protection de la planète…
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Ce fut la bonne nouvelle du printemps : le marché global de performance, jusque-là bridé par le sacro-saint principe d’interdiction de paiement différé, a enfin vu son régime assoupli sur ce point par la loi 2023-222 du 30 mars dernier. Certes limité aux travaux de rénovation énergétique - un domaine où les besoins sont évidemment immenses -, et pour une période expérimentale de 5 ans, cette possibilité tant attendue par les acteurs tant publics que privés de la construction de pouvoir étaler les paiements des investissements a été perçue comme une véritable bouffée d’air. Pourtant, du fait d’amendements déposés pendant l’étude du texte, la montagne risque d’accoucher d’une souris. C’est bien dommage : le secteur de la construction et de l’aménagement aurait bien mérité de bénéficier d’un outil simple et efficace à une époque où l’environnement tant national qu’international ne lui apporte pas que de bonnes nouvelles.
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