Reprenant les dispositions de l’ordonnance Marchés Publics, le code de la commande publique prévoit à son tour des cas d’interdictions de soumissionner, obligatoires et facultatifs. Les articles L. 2141-7 à L. 2141-7-11 du nouveau code, (anciennement article 48 de l’ordonnance), prévoient cinq cas d’interdictions de soumissionner facultatives. Les acheteurs publics peuvent ainsi exclure de la procédure des candidats qui se trouveraient dans certaines situations.
Parmi ces hypothèses, l’ancien article 48 prévoit notamment le cas « des personnes qui, au cours des trois années précédentes, ont dû verser des dommages et intérêts, ont été sanctionnées par une résiliation ou ont fait l'objet d'une sanction comparable du fait d'un manquement grave ou persistant à leurs obligations contractuelles lors de l'exécution d'un contrat de concession antérieur ou d'un marché public antérieur ». Les situations de conflit d’intérêts font aussi l’objet d’un cas d’interdiction de soumissionner facultative. L’acheteur public pourra ainsi exclure « Les personnes qui ont entrepris d'influer indûment sur le processus décisionnel de l'acheteur ou d'obtenir des informations confidentielles susceptibles de leur donner un avantage indu lors de la procédure de passation du marché public, ou ont fourni des informations trompeuses susceptibles d'avoir une influence déterminante sur les décisions d'exclusion, de sélection ou d'attribution ». Ce dernier cas a récemment fait l’objet d’un arrêt du Conseil d’Etat.
La question posée dans cette affaire était de savoir si un acheteur public pouvait prendre en compte les comportements antérieurs d’une société candidate pour l’exclure de la procédure. Une question inédite qui a permis aux sages du Palais Royal de prendre position sur ce sujet.
Retour sur les faits : Le département des Bouches-du-Rhône avait lancé une procédure pour la passation d’un marché de travaux de rénovation des archives et de la bibliothèque départementales à Marseille. La société EGBTI a été exclue de la procédure par le département, ce dernier estimant que son implication dans différentes affaires de conflit d’intérêts caractérisait un cas d’interdiction de soumissionner facultative. Saisi par EGBTI, le tribunal administratif (TA) de Marseille a annulé la décision d’exclusion de la société. Le département a alors saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation.
Dans les faits, un proche de la société EGBTI, considéré comme son dirigeant de fait, était suspecté d’avoir "tenté d’influer indûment le processus décisionnel d’attribution de marchés publics passés par le département entre 2013 et 2016, conduisant à l’ouverture d’une information judiciaire". La question posée au Conseil d’Etat était donc de savoir si ces anciens marchés pouvaient être pris en compte pour justifier l’exclusion de la société.
Cette question n’était pas évidente car si certains cas d’interdiction de soumissionner facultatives sont clairement délimités dans le temps (3 ans pour l’article L2141-7), ce n’était pas le cas pour les situations de conflit d’intérêts (Article L2141-8).
Le Conseil d’Etat a toutefois décidé d’inclure les comportements passés, jugeant que cet article ne réservait pas « la faculté de mettre en œuvre cette cause d'exclusion facultative au seul cas des agissements commis dans le cadre de la procédure de passation en cours ».
Après avoir annulé l’ordonnance du TA, les juges de cassation ont jugé l’affaire au fond. Ils ont rejeté la demande de la société EGBTI, estimant qu’elle n’avait "pas produit d'éléments de nature à établir que son professionnalisme et sa fiabilité ne pourraient plus être remis en cause".
L’APASP
2024 - L’ACHAT PUBLIC ENTRE AVERTISSEMENTS, PROMESSES ET DEFIS
L’année 2024 est très certainement prometteur pour l’achat public. Grace à des formations initiales et continues qui ne cessent de se développer, la professionnalisation des acheteurs est réellement en marche. Ayant pris pleinement conscience de son impact économique et par la même social - l’achat public de travaux fournitures et services représentant en moyenne 20% de leur budget- de plus en plus de structures publiques et para publiques ont mis en place de véritables services dédiés à ce qu’il convient de considérer comme un puissant levier des politiques publiques. Gageons que cette année verra se prolonger des réflexions et débats déjà entamés sur l’impact de l’intelligence artificielle sur l’achat public, la cybercriminalité et la protection des données personnelles dans l’acte d’achat, l’extension de la location au détriment de l’achat proprement dit, l’instrumentalisation des ces quelques dizaines de milliards d’euros annuels au service de différentes politiques dont la souveraineté nationale et -ce n’est à priori pas antinomique- la protection de la planète…
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