Les formations initiales mais aussi continues en achat public ne cessent de fleurir, notamment au sein des Universités où les Master 2 classiques ou en alternance deviennent de plus en plus nombreux dans un domaine où la demande est importante et les débouchés plutôt bien assurés.
Un tel développement n’interdit pas d’explorer d’autres voies de formation, mais aussi de recherche. Celle de la chaire financée par du mécénat et adossée à une Fondation alimentée par du mécénat apparait particulièrement intéressante, traduisant tant de nouvelles formules d’organisation que de financement adaptés à notre époque et aux besoins des acteurs de l’achat public.
On connait le poids économique- et donc social-de l’achat public, qui représente entre 10 et 15% du PIB de chaque Etat membre de l’Union Européenne et pèse en France quelque 200 milliards d’euros par an. L’achat public est ainsi de plus en plus utilisé comme un levier des politiques publiques, notamment en faveur de l’accès des TPE-PME ainsi que cela vient d’être symbolisé par le relèvement à 40.000 euros du seuil en dessous duquel les formalités de publicité et de concurrence ne sont pas obligatoires. Sa mise en œuvre nécessite un professionnalisme et une diligence de plus en plus accrus de la part des acheteurs publics. À côté de cela, l’achat public et les contrats de la commande publique sont des objets de recherche d’un intérêt incontestable, tant sur le plan juridique qu’économique.
C’est dans ce contexte que la Fondation de l’Université Paris-Sud, qui devient Paris- Saclay à partir du 1er janvier 2020 en élargissant le champ organique et matériel de la communauté d’établissements sur laquelle elle repose, a décidé d’accompagner une chaire « achat public ». Celle-ci rejoint ainsi les autres chaires existantes, dont certaines dans le domaine juridique comme la chaire relative au droit de l’espace et des télécommunications.
La chaire aura d’abord pour objet d’accompagner et de financer des thèses de doctorat, sur des sujets juridiques mais aussi économiques liés à l’achat public. Le champ d’étude et d’investigation est large, surtout si on sort des sentiers battus des sujets en relation avec la passation ou l’exécution des marchés publics et concessions. Les thèmes du « concept de gain d’achat », du « glissement du prix vers le coût du cycle de vie » ou encore, sans être exhaustif, de « la transformation de la commande publique de l’achat proprement dit vers la location des produits et services » - la fameuse « ubérisation » de la commande publique qui devient une réalité tangible-sont quelques exemples qui méritent sans nul doute des recherches approfondies.
Il s’agira ensuite d’irriguer des activités de formation, tant initiale que continue. Pourra ainsi intégrer la chaire, le Master II de la faculté de droit de Sceaux de l’Université Paris-Saclay « contrats et marchés publics-la pratique de l’achat public », formation pluridisciplinaire destinée à préparer les étudiants au métier d’acheteur. La chaire pourra ainsi contribuer à la prise en charge des diverses activités du Master, de la venue de personnalités extérieures pour des cours et conférences, à la participation à des voyages d’études, au sein de la commission européenne à Bruxelles par exemple. L’objectif sera de transformer ce Master en formation en alternance, particulièrement bien adaptée aux demandes et aux enjeux tant des collectivités publiques et entreprises que des étudiants eux-mêmes.
A côté du Master, des cycles de formation spécifiques se développeront sur des thèmes comme le «contract management », c’est à dire le suivi de l’exécution des marchés publics et concessions où les besoins en termes d’acquisition de compétences et d’organisation sont immenses.
Toujours s’agissant de formation, il est envisagé de créer un Diplôme Universitaire orienté vers l’achat public en Afrique, diplôme répondant à de fortes attentes là encore tant en termes de formation initiale que continue Il s’adressera d’abord aux Etats Francophones avant peut être d’élargir son champ à d’autres pays.
Pour ce qui est de l’information, la Chaire pourra participer à des séminaires et autres colloques portant sur les différents projets de l’achat public, en partenariat avec des organismes comme la Direction des Affaires Juridiques de Bercy ou l’Association pour l’Achat dans les Services Publics.
Les avantages tant pour les acheteurs publics que pour les entreprises sont ainsi multiples: ils bénéficient d’un vivier sans cesse renouvelé de professionnels de l’achat public, sont informés de façon régulière de l’évolution d’une matière par essence en mouvance constante, ont accès à l’avancée de la recherche qui participe aux innovations de la matière, et donc de prestations au plus haut niveau d’excellence particulièrement adaptées à leurs besoins et attentes.
Les activités de la chaire sont donc financées via la Fondation de Paris Saclay, elle-même financée par du mécénat qui ouvre notamment la voie à une déduction fiscale. La chaire repose donc sur du financement participatif, en provenance des entreprises mais aussi des collectivités publiques; ce qui en fait un lieu de rencontre entre deux mondes qui s’ignorent encore trop souvent. La chaire se veut donc un lieu de rassemblement, alors que l’achat public a encore trop tendance sinon à diviser du moins à cloisonner. Son mécanisme de soutien financier global à ses activités apparait particulièrement intéressant et novateur. Le mécénat, par sa vocation à financer des actions et activités d’intérêts général sans contrepartie directe – ce afin d’éviter une requalification en prix qui aurait des répercutions fiscales - représente ainsi une une réelle alternative aux financements universitaires traditionnels.
En clair, il s’agit d’une solution d’avenir qui ouvre bien des perspectives dans la formation et la recherche, notamment universitaires, qui en ont fondamentalement besoin.
Jean-Marc PEYRICAL
Cabinet PEYRICAL & SABATTIER Associés
Maître de conférences des Universités, directeur de la Chaire achat public de l’Université de Paris Saclay
2024 - L’ACHAT PUBLIC ENTRE AVERTISSEMENTS, PROMESSES ET DEFIS
L’année 2024 est très certainement prometteur pour l’achat public. Grace à des formations initiales et continues qui ne cessent de se développer, la professionnalisation des acheteurs est réellement en marche. Ayant pris pleinement conscience de son impact économique et par la même social - l’achat public de travaux fournitures et services représentant en moyenne 20% de leur budget- de plus en plus de structures publiques et para publiques ont mis en place de véritables services dédiés à ce qu’il convient de considérer comme un puissant levier des politiques publiques. Gageons que cette année verra se prolonger des réflexions et débats déjà entamés sur l’impact de l’intelligence artificielle sur l’achat public, la cybercriminalité et la protection des données personnelles dans l’acte d’achat, l’extension de la location au détriment de l’achat proprement dit, l’instrumentalisation des ces quelques dizaines de milliards d’euros annuels au service de différentes politiques dont la souveraineté nationale et -ce n’est à priori pas antinomique- la protection de la planète…
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La commande publique, qu’elle émane des services de l’Etat ou des collectivités, représente des enjeux économiques considérables et ne peut subir aucune inégalité de traitement.
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Ce fut la bonne nouvelle du printemps : le marché global de performance, jusque-là bridé par le sacro-saint principe d’interdiction de paiement différé, a enfin vu son régime assoupli sur ce point par la loi 2023-222 du 30 mars dernier. Certes limité aux travaux de rénovation énergétique - un domaine où les besoins sont évidemment immenses -, et pour une période expérimentale de 5 ans, cette possibilité tant attendue par les acteurs tant publics que privés de la construction de pouvoir étaler les paiements des investissements a été perçue comme une véritable bouffée d’air. Pourtant, du fait d’amendements déposés pendant l’étude du texte, la montagne risque d’accoucher d’une souris. C’est bien dommage : le secteur de la construction et de l’aménagement aurait bien mérité de bénéficier d’un outil simple et efficace à une époque où l’environnement tant national qu’international ne lui apporte pas que de bonnes nouvelles.
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