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Le 13/05/2020 à 14h

Jean-Luc Charles : "Les épidémies étaient dans un angle mort urbain"

"Les déterminants de santé n'étaient jusqu'ici pas imaginés dans les politiques urbaines en considérant les épidémies". Entretien avec Jean-Luc Charles, directeur de la Samoa, la SPL de Nantes Métropole.

Jean-Luc Charles : "Les épidémies étaient dans un angle mort urbain"

La crise sanitaire lui offre une occasion d'éprouver le modèle de fabrique urbaine qu'il déploie sur l'Île de Nantes - celui entre autres d'une ville "marchable" - et de questionner par exemple l'importance de l'effacement des pics de trafic par le recours au télétravail et aux horaires décalés - élément de réponse significatif aux enjeux de congestion et de pollution. L'aménageur nantais poursuit ses travaux préparatoires sur l'emprise du CHU et continue de faire avancer les secteurs A, B et G du quartier République - la phase de conception se poursuit et les dépôts de PC arriveront dans l'année.

La crise sanitaire lui offre une occasion d'éprouver le modèle de fabrique urbaine qu'il déploie sur l'Île de Nantes - celui entre autres d'une ville "marchable" - et de questionner par exemple l'importance de l'effacement des pics de trafic par le recours au télétravail et aux horaires décalés - élément de réponse significatif aux enjeux de congestion et de pollution. L'aménageur nantais poursuit ses travaux préparatoires sur l'emprise du CHU et continue de faire avancer les secteurs A, B et G du quartier République - la phase de conception se poursuit et les dépôts de PC arriveront dans l'année.

Quelles réflexions vous inspirent les conséquences du Covid-19 ?

Dans le contexte de crise sanitaire, sociale et économique qui s'annonce - bien qu'on en ignore encore les contours -, les aménageurs publics disposent d'outils robustes, qui leur permettent de traverser les crises. Avoir des acteurs publics attachés aux collectivités locales ou à l'Etat sera un gage de stabilité. Beaucoup de promoteurs se positionnaient comme des aménageurs potentiels, mais la situation va les engager à retourner à leur métier de base. Un cycle nouveau s'ouvre, qui va obliger les uns et les autres à se repositionner sur des échéances à long terme.

Pour la séquence qui s'ouvre, il y a plusieurs incertitudes auxquelles se confronter : est-ce que l'immobilier va trouver des financements auprès des investisseurs et des banques, acteurs essentiels dans la fabrique urbaine ? C'est un premier sujet. Se posera aussi la question de la solvabilité de la demande : est-ce que le marché des propriétaires-investisseurs sera aussi dynamique ? Le monde du logement social sera-t-il en capacité de financer de nouveaux logements et comment gèrera-t-il la question des impayés ? Troisième élément : la solidité des outils de production dans le BTP. Beaucoup d'entreprises vont souffrir, auront des difficultés de trésorerie.

Comment les chantiers ont-ils localement supporté le confinement ?

Autant l'arrêt des chantiers a été brutal et quasi général, autant la reprise est en train de devenir générale et rapide. On avait une douzaine de chantiers concernés. Trois ont repris à titre expérimental et on espère que le 12 mai, l'ensemble des chantiers aura repris. Un des sujets qui pointe est la perte de productivité sur ces chantiers.

Cela va-t-il étirer les calendriers vous concernant ?

Notre situation est particulière : nos opérations sont surtout en phase de conception, avec des dépôts de permis de construire qui vont intervenir dans les prochaines semaines et beaucoup de PC à l'instruction. Pour nos 12 opérations en cours, représentant 50 000 m2 - surtout du logement - et 27 millions de charges foncières attendues d'ici juin 2021, il y a forcément un risque d'exposition pour la Samoa.

Mais les services de Nantes métropole se sont organisés, et devraient être en mesure de finaliser le stock de dossiers à instruire assez vite, en hiérarchisant en fonction du volume de logements concernés (et de leur nature) notamment. Sur la dynamique de marché, nous sommes par ailleurs relativement confiants. Nous sommes dans une métropole où la dynamique et la demande étaient fortes avant la crise sanitaire, avec 6 000 habitants accueillis tous les ans.

Allez-vous réinterroger vos cahiers des charges et façons de faire à l'aune de la crise sanitaire ?

Un groupe de réflexion se forme à partir du "quartier de la création" avec différents opérateurs (établissements d'enseignement supérieur, grands groupes et start-up). Il s'agit de questionner les effets de la crise sanitaire sur les représentations que l'on peut avoir de la ville et de la cité. Quel rapport à l'autre ? A l'espace public ? A l'habiter ? En quoi il s'agit d'atouts ou de faiblesses selon le quartier dans lequel on habite ?

Ce premier travail doit nous permettre de tester la résilience de l'Île de Nantes et la robustesse des modèles que l'on essaie de construire dans la fabrique urbaine.
Tout le quartier République est déjà axé sur la thématique "d'île du bien être", avec une qualité d'espaces publics fortement végétalisés, un rapport au vivant, le développement de la biodiversité - avec le confinement, on éprouve bien qu'être privé d'espaces de rencontres (et de rez-de-chaussée activés) diminue le plaisir de ville. On est aussi attentif à une qualité de logements livrés. Cela veut dire un balcon imaginé comme une pièce extérieure, des logements traversants et ventilés, ainsi qu'une hauteur sous plafond de 2,70 m, des cours intérieures, qui sont utiles en ce moment pour que les gens puissent se défouler un peu.

"L'épidémie ouvre des questions non pas tant sur la densité - le terme me paraît inapproprié - mais sur la concentration. Qes Ehpad touchés par l'épidémie, il y en a autant dans les métropoles que dans les petites villes. Idem, le premier "cluster" vient d'une ville relativement modeste, Mulhouse, à travers une concentration de personnes"

Cette crise nous oblige à constater que les déterminants de santé n'étaient jusqu'ici pas imaginés en considérant les épidémies, qui restaient dans un angle mort urbain. Cela ouvre des questions non pas tant sur la densité - le terme me paraît inapproprié - mais sur la concentration. Si je prends une métaphore : regardez la carte des Ehpad touchés par l'épidémie, il y en a autant dans les métropoles que dans les petites villes. Idem, le premier "cluster" vient d'une ville relativement modeste, Mulhouse, à travers une concentration de personnes.

Le Covid-19 remet aussi en cause la hiérarchisation des mobilités, avec des transports collectifs qui souffrent. Les gens vont découvrir les bienfaits de la mobilité douce, vélo ou marche à pied, et les collectivités vont déployer du provisoire qui va s'installer. C'est une vraie rupture. Dans notre manifeste durable de l'Île de Nantes, on parle des "mobilités complices", d'une ville marchable, avec des espaces publics confortables et un bon équilibre entre les différents types de mobilité dans lesquels la voiture doit trouver sa place.

La crise du Covid met également en jeu l'architecture du temps. On essaie de demander aux entreprises, aux services, de travailler sur des horaires décalés si les salariés utilisent les transports en commun. Ce lissage des flux est une donnée sous-estimée jusqu'ici - Bordeaux a déjà travaillé là-dessus. Si vous associez télétravail et effacement des pics de trafic dans la ville, vous résolvez beaucoup de problèmes. Il faut que les urbains modifient leurs modes de vie, d'habiter, de travailler. La crise peut entraîner un changement de paradigme et apporter un meilleur fonctionnement à la ville.

Où en êtes-vous du développement du quartier République ?

Nous en sommes au dépôt de PC fin mai pour Adam, Alix, Amir et Anna. Pour Andy, le timing initial de fin mai risque d'être décalé d'un ou deux mois parce que l'opérateur Harmonie Habitat va fait du bail réel solidaire - le montage est plus complexe.

Pour le bloc B, il y a un décalage d'environ 6 mois avec le bloc A, donc on devrait déposer les permis en fin d'année (Bety, Boul et Bill).



Le détail des attributions des lots A et B


- Les lots Adam, Alix, Amir, Andy, Anna, Boul et Bill ont été attribués à leur maîtrise d'oeuvre.

- Le lot Bety est en cours de consultation. Le calendrier de cette consultation (pilotée par Nantes Métropole Habitat) a été décalé du fait de la situation sanitaire actuelle. Les architectes seront connus à l'automne.

- Le lot Brard (groupe scolaire) n'est pas encore entré en phase opérationnelle.

- Les lots Azur, Bart et Boby correspondent aux "opérations singulières", de petits fonciers qui ne sont pas développés dans le même calendrier que le reste du quartier, afin de pouvoir accueillir à plus long terme des programmes qui ont généralement plus de difficultés à trouver leur place dans les opérations d'aménagement (habitat participatif, auto-promotion, siège d'une petite entreprise, petit équipement...), et de permettre une sédimentation de la ville dans un temps plus long qu'à l'habitude (à la manière d'une dent creuse dans le tissu urbain constitué).

Sur le bloc G, le programme de la Croix-Rouge est bien avancé [l’agence Splaar a été retenue en février pour concevoir le nouveau village social intergénérationnel de la Croix-Rouge (Gary), avec le groupe Legendre]. Les maîtrises d'œuvre des lots Gina, Gwen et Gabi n'ont pas encore été désignées.
Il restera aussi les îlots à l'ouest du Quartier de Prairies aux Duc.

Pièce importante du quartier, le CHU de Nantes... Comment avancez-vous en la matière ?

A terme, on va remettre à Nantes métropole et au CHU la parcelle préparée - dépolluée et démolie. On va finaliser pour le mois de septembre ou octobre la voie médiane pour libérer la voirie provisoire sur l'emprise du CHU. Cette voie va permettre aux métropolitains de rejoindre le coeur de la ville de Nantes en empruntant l'axe du pont, et le quartier République sera donc desservi. Le CHU est en train de finaliser le marché sur les terrassements et analysera en juin-juillet les offres sur le gros œuvre. Le chantier doit démarrer au mois d'octobre.

Le cahier des charges originel demande une adaptabilité et une modularité - l'hôpital doit être transformable. Il doit être construit à l'horizon 2026, et le CHU être mis en activité en même temps que les trois lignes de tramway qui desserviront le quartier République. Il sera peut-être question plus tard de faire évoluer les disponibilités foncières à proximité immédiate.

Où en est le campus créatif ?

Le chantier de l'école de design a commencé pour une livraison en 2022 - une opération mixte avec un parking de 500 places souterraines. C'est un marché en conception réalisation attribué à Vinci. En termes d'occupation transitoire, sur le secteur du MIN, il y a plusieurs milliers de m2 qu'on veut mettre à disposition d'acteurs créatifs - il y aura un pôle culturel avec des makers et des agriculteurs. Une maîtrise d'œuvre technique est missionnée.

Le secteur du MIN accueille aussi l'opération 5Ponts, un programme accueillant une ferme urbaine solidaire et productive - et labellisé écoquartier pour sa dimension inclusive et sociale.

Oui, l'Agronaute est tenu par l'association La Sauge - un dernier bâtiment n'est pas abattu et fait l'objet d'une occupation transitoire pour dix ans.

Propos recueillis par Lucie Romano, Rédactrice en chef de Cadre de Ville

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