Les opérateurs économiques, qu’ils soient entreprise principale ou sous-traitant, et les maîtres d’ouvrage doivent être vigilants aux toutes dernières décisions rendues par le Conseil d’Etat en matière de sous-traitance.
Notamment, et de façon inédite, le Conseil d’Etat vient de juger que le maître d’ouvrage peut exercer un contrôle sur les travaux réalisés par un sous-traitant agréé et, par conséquent, sur le montant de sa créance (CE, N°396358, 9 juin 2017, sté K.).
CE, N°396358, 9 juin 2017, sté K
Les faits sont simples : dans le cadre d’un marché de travaux, une entreprise sous-traitante agréée s’est vue refuser par la ville le droit au paiement de ses prestations au motif qu’elles ne respectaient pas le marché public confié à l’entrepreneur principal.
On sait depuis longtemps qu’en application des dispositions de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance combinées aux articles 62 et 63 de l’Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et 136 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatifs aux marchés publics, le sous-traitant régulièrement agréé dispose d’un droit au paiement de ses prestations directement par le maître d’ouvrage.
Concrètement, pour obtenir le paiement direct par le maître d’ouvrage des prestations qu’il a exécutées dans le cadre de son contrat de sous-traitance, le sous-traitant régulièrement agréé doit présenter sa demande auprès de l’entrepreneur principal, titulaire du marché.
Si l’entrepreneur principal a donné son accord ou s’il est réputé l’avoir donné, le maître d’ouvrage procède ensuite, en principe, au paiement de la facture directement auprès du sous-traitant.
Le mécanisme protecteur des intérêts du sous-traitant connaît une limite : le pouvoir général de contrôle du maître d’ouvrage.
Dans l’affaire précitée, le sous-traitant a bien tenté de rappeler d’une part qu’il n’existait pas de lien contractuel entre lui et le maître d’ouvrage et que ce dernier ne serait alors pas fondé à s’immiscer dans la relation entreprise/sous-traitante et, d’autre part, que ses travaux auraient été conformes aux règles de l’art.
La collectivité, de son côté, a soutenu que les travaux réalisés par son sous-traitant ne respectaient pas les stipulations du cahier des clauses techniques particulières et qu’elle n’était alors pas tenue de les payer.
Le 9 juin dernier, la haute juridiction, parachevant une construction jurisprudentielle administrative de plusieurs années sur ce point, a clairement tranché : le maître d’ouvrage est fondé à refuser le paiement direct réclamé par un sous-traitant agréé dès lors que les travaux ne sont pas conformes aux prescriptions du marché principal.
Autrement dit, l’acheteur est en droit de s’assurer que la consistance des travaux réalisés par le sous-traitant correspondait à ce qui était prévu par le marché. Dans le cas contraire, il doit refuser de payer la somme sollicitée par le sous-traitant.
Quelques conseils peuvent être dispensés au vu de cette décision plutôt protectrice des deniers publics.
L’entreprise sous-traitante a intérêt à vérifier que ses prestations respectent scrupuleusement les caractéristiques techniques du marché conclu entre l’acheteur et l’entrepreneur principal, ce qui suppose d’en avoir connaissance et d’établir son intervention en conséquence.
L’entrepreneur principal doit de son côté veiller à sous-traiter ce qui correspond très exactement à ses propres engagements contractuels vis-à-vis du maître d’ouvrage.
Du côté du maître d’ouvrage, on ne peut que lui recommander de faire expressément figurer au sein de l’acte de sous-traitance toutes les pièces contractuelles, notamment d’ordre technique, composant son marché.
Maître Céline SABATTIER
Avocat associé
Cabinet Peyrical & Sabattier Associés
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